Pourquoi c’est une erreur de soutenir Hollande

Gérard Dussillol, président du Pôle Finances publiques de l’Institut Thomas More et auteur de La crise, enfin ! (ed Xenia, 2012)

21-22 avril 2012 • Opinion •


Dans cette tribune, Gérard Dussillol répond aux arguments des quarante économistes qui ont apporté leur soutien à François Hollande dans Le Monde du 18 avril 2012.


Le temps semble avoir suspendu son vol : on retrouve dans ce manifeste tous les marqueurs, les clichés, les fausses représentations, d’un système de pensée qui nous a déjà valu tant d’échecs. Nous dansons sur un volcan mais nos « sages » nous garantissent qu’il dort. Il est grave de voir ainsi d’éminents spécialistes cautionner des propositions irréalistes et dangereuses pour notre pays. Les conseilleurs ne sont pas les payeurs.

Le recours aux nébuleux stéréotypes de mai 68 trahit la culture des signataires, c’est à dire le cadre qui sous-tend leur approche des problèmes de notre société et de notre époque : ils veulent ainsi « créer une nouvelle civilisation urbaine »« mettre fin à l’étalement urbain ». Ils s’interrogent : « voulons-nous toujours plus d’objets de consommation, ou bien plus de santé, plus d’éducation, plus de qualité de vie ? », opposant ainsi « consommation » et « plus de santé »ce qui ne veut rien dire ; ou consommation et éducation, ce qui est contradictoire : plus on est éduqué, plus on consomme.

Tout cela sonne un peu creux. Le texte postule que de faire croître la dépense publique moins vite que le PIB, comme s’y engage le candidat socialiste, est le gage « d’un Etat efficace ». Mais cela n’a rien à voir. On lit ensuite, que du fait de la politique suivie depuis 2007, « nos administrations sont désorganisées, nos fonctionnaires démobilisés et la qualité des services publics dégradée ». Mais la vraie question est de savoir pourquoi notre administration n’est pas en mesure de rendre les services qu’on attend d’elle, alors que nous avons déjà le plus fort taux de dépenses publiques au monde ? Qu’importe ! On va « renforcer notre éducation nationale », quand nous dépensons déjà 1 100 euros de plus par élève et par an que les Allemands. Le toujours plus de dépenses tient lieu d’idées.

Comment allons-nous restaurer notre compétitivité ? C’est simple, elle « repose principalement sur la qualité de nos produits, de nos processus industriels ». Mais pour cela, il faut investir donc faire des profits. Quand on sait que nos entreprises payent, en proportion de ce qu’on produit, 150 milliards d’impôts en plus que leurs concurrentes allemandes, il n’est pas surprenant que leur recherche soient 2 fois moindre.  Pour « relever le défi de l’innovation », on nous propose de créer de nouvelles …niches fiscales : « incitations fiscales à la localisation, baisse de la cotisation foncière pour les entreprises qui innovent, instauration d’un crédit impôt innovation ciblé ». Au lieu de rajouter de la complexité, ne pourrait-on d’abord éviter de surtaxer les entreprises, et pour cela moins dépenser ? Nous avons une des réglementations sur le travail les plus complexes et protectrices, et toutes les études montrent que c’est un obstacle très significatif à la création d’emplois. Mais nos quarante nous promettent de nouvelles réglementations pour « sécuriser les parcours professionnels » ou « faire évoluer les mobilités interentreprises et les stratégies d’embauche ». Vœux pieux encore, car tout cela ne peut se réaliser qu’avec une économie forte.

« La grande réforme fiscale annoncée par François Hollande devra certes être précisée » : on est ici au cœur du débat sur les voies et moyens de sortir de la crise, mais… on en parlera plus tard ! Ce qui importe n’est pas là : on va réorienter « la politique fiscale dans le sens d’une plus grande justice sociale ». Le grand mot est lâché. La France a 40% de chômeurs de plus en, moyenne que les pays développés : est-ce juste, cela ? Mais on ne nous propose aucune réflexion sur les causes de cette exception française. La « plus grande justice sociale » n’est qu’un alibi pour augmenter massivement les impôts, seule solution pour faire baisser nos déficits sans toucher aux dépenses. Dans cette perspective « il faut mettre un terme à la sous-taxation du capital et des rentes ». Pourtant nos impôts sur le patrimoine sont déjà, selon la Cour des comptes parmi les plus élevés d’Europe.

Nos quarante veulent enfin une « réorientation de la construction européenne, afin de mettre un terme à ces politiques qui dévastent les économies européennes ». Certes… Mais illusion encore : croit-on que nous soyons en mesure de faire bouger l’Allemagne qui a développé tant d’efforts pour faire aboutir le traité sur le pacte budgétaire ? Croit-on que nos partenaires qui ont tous engagé des efforts de réduction de leur dépense, tolèrent longtemps que nous continuions à mettre en péril l’euro et l’Europe ? Il faut faire bouger l’Allemagne, c’est évident, déjà pour qu’elle relance son économie. Mais, si bras-de-fer il doit y avoir, c’est dans l’autre sens, c’est-à-dire en s’engageant d’abord, à réduire nos dépenses. Si un tel programme se met en place, la sanction va tomber très vite. Comment vont réagir les Français face à de telles désillusions ?