Une approche européenne de la cité-Etat de Djibouti · Pivot géostratégique et hub transcontinental

Jean-Sylvestre Mongrenier, chercheur associé à l’Institut Thomas More

Juillet 2012 • Analyse •


La « construction européenne » et ses affres ont pour effet pervers de détourner l’attention des Européens en général et des Français en particulier du monde tel qu’il devient. Ainsi Djibouti est-elle parfois perçue comme une simple commodité militaire sur le continent africain. De fait, ce territoire est un important point d’appui, tant sur le plan de la lutte contre le terrorisme que dans les opérations contre la piraterie. La stabilité de Djibouti – elle fait contraste avec les situations géopolitiques de la Corne de l’Afrique –, est donc essentielle à la sécurité des voies maritimes entre l’Asie et l’Europe. C’est aussi sur le plan géoéconomique que la cité-Etat entend valoriser sa position stratégique. L’idée est de faire de ce territoire un hub entre Méditerranée, océan Indien et Afrique orientale. Ce projet entre en résonance avec les temps longs de l’histoire et la mondialisation des échanges à travers l’océan Indien. L’Europe ne saurait s’en désintéresser.


Si l’Europe en tant que Grande Idée ne peut être pensée indépendamment du regard théorique sur le lointain horizon, la « construction européenne » et ses affres ont pour effet pervers de détourner l’attention du monde tel qu’il devient. Ainsi la cité-État de Djibouti est-elle parfois perçue comme une simple commodité militaire sur le continent africain : un État-garnison en quelque sorte. De fait, ce territoire est un important point d’appui sur le plan de la lutte contre le terrorisme en Asie du Sud-Ouest. Il est essentiel aux opérations contre la piraterie, dans le golfe d’Aden et au large de la Somalie, avec pour enjeu la libre circulation des flux entre le canal de Suez et le détroit de Bab-el-Mandeb. Les destinées de Djibouti – dont la stabilité fait contraste avec la difficile situation géopolitique régionale – conditionnent donc l’endiguement des logiques de chaos en Asie du Sud-Ouest et dans la Corne de l’Afrique.

A un niveau plus général, la forte présence militaire occidentale permet de sécuriser la principale voie maritime entre l’Asie et l’Europe. Pourtant, la cité-État n’entend pas vivre de sa seule rente de situation. Ses dirigeants veulent valoriser au plan géoéconomique la position centrale de Djibouti dans les dispositifs géostratégiques régionaux. L’idée est de faire de ce territoire un hub global entre la Méditerranée, l’océan Indien et l’Éthiopie, voire toute l’Afrique orientale et centrale. Le projet peut sembler ambitieux mais il entre en résonance avec les temps longs de l’histoire dans cette partie du monde et s’appuie sur la mondialisation accélérée des échanges à travers l’océan Indien. Les ambitions de Djibouti nous initient aux processus à l’œuvre, processus dont les puissances occidentales ne sauraient s’abstraire.