Loi de programmation militaire · La défense française à l’heure des choix

Jean-Sylvestre Mongrenier, chercheur associé à l’Institut Thomas More

2 août 2013 • Opinion •


Le 2 août, le conseil des ministres examinera le projet de loi de programmation militaire (LPM) pour la période 2014-2019. Les budgets annoncés sont en réduction et il faudra procéder à des choix en matière de programmes, les besoins des armées et l’avenir de l’industrie d’armement devant prévaloir sur les considérations autres.


En amont de la LPM, le Livre Blanc d’avril dernier fixe les grandes lignes mais n’exprime qu’une vision partielle des enjeux globaux. Le volontarisme affiché ici ou là et l’appel à accroître l’effort au niveau européen débouchent en fait sur la réduction du modèle d’armée. Dans une opération majeure, la France n’aurait plus les moyens d’un engagement au-delà de 15 000 hommes.

Alors même que les dépenses publiques s’élèvent à 57% du PIB, l’Etat ne parvient pas à allouer les sommes nécessaires à cette fonction éminemment régalienne qu’est la Défense. En dynamique, le budget militaire représentera à peine 1,5% du PIB, soit une part deux fois moindre qu’il y a trente ans, le financement du Welfare State drainant les ressources publiques.

Certes, le ministre de la Défense annonce 31,7 milliards d’euros par an sur la période 2014-2019, ce qui semble assurer une certaine stabilité. A y regarder de plus près, il s’agit là d’une nouvelle réduction des moyens financiers. D’une part, l’inflation rognera le pouvoir d’achat des armées. D’autre part, ces montants incluent des ressources hypothétiques, le produit de la vente d’actifs patrimoniaux demeurant en effet aléatoire.

Pour que la France conserve son rang, la conjoncture impose une utilisation optimale des deniers publics et la définition en amont de critères rigoureux des choix à opérer. Si les armées françaises doivent couvrir la totalité du spectre des capacités militaires, du spatial au char lourd, des frégates aux hélicoptères, cela ne signifie pas qu’il faille tout produire en France.

Dans les domaines de souveraineté comme le nucléaire et le renseignement, c’est bien le principe national qui doit prévaloir : l’autonomie de décision et la liberté d’action l’emportent sur la stricte rationalité économique. Au-delà, le rapport coût/efficacité, la disponibilité dans les délais des matériels et les perspectives à l’exportation sont des critères de choix incontournables. La capacité des forces armées à intervenir, ici et maintenant, est impérative et le budget doit être géré à l’euro près.

Aussi le pragmatisme s’impose-t-il. Il faudra renoncer à certains programmes et en privilégier d’autres, plus prometteurs ou plus urgents. La coopération européenne et transatlantique ou encore l’« achat sur étagère » à des fournisseurs étrangers ne sont pas à exclure si ils profitent ultimement aux forces armées et permettent de préserver le socle politico-militaire qui conditionne le statut international de la France et sa contribution à une Europe du grand large.

La méthode esquissée, considérons le dispositif dans ses grandes lignes. Ultime rempart de l’indépendance nationale, la dissuasion et ses moyens ont été sanctuarisés. Dont acte. En matière de renseignement, l’acquisition prévue d’un certain nombre de drones américains (le Reaper) n’est pas contradictoire si tant est que l’Etat et les industriels de l’armement s’efforcent de rattraper la révolution des avions sans pilotes. Dans l’immédiat, nos forces ont un besoin urgent des moyens de renseignement nécessaires à leurs missions comme le démontre l’opération Serval au Mali.

A raison, le Livre Blanc insiste sur la coopération européenne. De fait, l’Europe a à son actif quelques belles réalisations tel l’A-400M, cet avion de transport tactique construit par EADS afin d’équiper plusieurs armées européennes. C’est aussi au niveau européen que le défi du drone de « nouvelle génération » doit être relevé.

Insistons encore : l’équipement des forces ne saurait passer après les intérêts économiques particuliers, l’aménagement du territoire ou les préoccupations électorales. L’« économie de défense » est au service des armées et la filière ne peut fonctionner à rebours. In fine, il y va de la capacité de la France à intervenir de vive force ainsi qu’à se poser en « nation-cadre », au cœur des alliances. Dans la hiérarchie évolutive des nations, la projection de forces et de puissance demeurera un discriminant essentiel.