Le monde vu de Moscou · Représentations et situations géopolitiques

Jean-Sylvestre Mongrenier, chercheur associé à l’Institut Thomas More

13 octobre 2014 • Analyse •


Le 14 octobre 2014, John Kerry et Sergueï Lavrov se rencontreront à Paris pour discuter de la situation géopolitique dans l’Est ukrainien. Ensuite, les présidents russe et ukrainien se retrouveront à Milan, les 16 et 17 octobre, sous l’égide de l’Europe. Alors que la diplomatie tente de dénouer le conflit avec la Russie, il faut conserver à l’esprit la manière dont les dirigeants russes voient le monde. Les perceptions et représentations de la Russie sont marquées par la volonté de puissance et le revanchisme à l’encontre de l’Occident.


Le conflit entre la Russie et l’Ukraine et l’actuel climat de « paix froide » interrogent sur la manière dont les dirigeants russes voient le monde et le pensent. De fait, les rapports de puissance sont aussi des confrontations entre les représentations géopolitiques qui justifient et englobent les grandes stratégies des acteurs de la scène internationale. Il faut les prendre au sérieux, l’analyse géopolitique consistant à saisir ces représentations de soi et du monde, à étudier leur articulation avec les dispositifs diplomatico-stratégiques et les politiques de puissance qui sont mises en oeuvre. A cet égard, la Russie constitue un « cas » géopolitique particulièrement intéressant, et ce du fait de l’immensité des espaces considérés et des temps longs de son histoire.

En partie hérité de la période soviétique, le discours géopolitique des dirigeants russes pose Moscou en puissance de tout premier rang, rivale des États-Unis et de l’Occident. Dans une vision du monde plus tripartite que multipolaire, la Russie serait appelée au rôle de puissance tierce, entre la Chine populaire d’une part, l’ensemble américano-occidental d’autre part. Mise en exergue par les néo-eurasistes, l’aire eurasiatique est présentée comme constituant la base continentale d’une politique d’envergure mondiale. Au vrai, la Russie est d’abord une puissance eurasiatique et c’est dans l’aire post-soviétique que se joue sa destinée géopolitique, d’où l’insistance portée sur l’Union eurasienne. Le révisionnisme géopolitique de la Russie induit une relation d’hostilité à l’encontre de l’Europe.