Présidentielle · quelle politique migratoire pour 2017 ?

Jean-Thomas Lesueur, délégué général de l’Institut Thomas More

 

18 janvier 2017 • Opinion •


Le sujet de l’immigration, lié à celui de l’identité, risque fort d’être au cœur de l’élection présidentielle. A l’occasion de la publication de la note Propositions pour refonder la politique migratoire française, Jean-Thomas Lesueur, délégué général de l’Institut Thomas More, appelle à réduire de moitié l’immigration légale et insiste sur la nécessité d’intégration de la part des nouveaux entrants.


Il ne fait pas grand doute que la question migratoire, liée à celle de l’identité, sera au cœur de l’élection présidentielle d’avril prochain. Place de l’islam dans la société française, crise des migrants, situation dans les quartiers sensibles, insécurité, chômage : nombre de questions appelant des réponses urgentes ramènent à la problématique migratoire.

Et, de fait, les Français expriment la volonté de plus en plus partagée de limiter l’immigration. Mais notre pays en a-t-il les moyens ? La question mérite d’être posée tant les outils de gestion migratoire, émoussés par la vision irénique d’un monde sans frontières qui a dominé ces dernières décennies, apparaissent inadaptés à la situation actuelle.

C’est donc à une refondation de sa politique migratoire que la France est appelée. Il y a beaucoup à faire, à commencer par assigner des objectifs forts et significatifs pour les Français à cette refondation.

Le premier de ces objectifs devra être la baisse de l’immigration légale. La France a délivré plus de 225 000 permis de résidence en 2015. Entre l’immigration massive et l’immigration zéro, il y a une voie réaliste : un objectif situé à moins de 100 000 entrées par an. C’est celui qu’affiche François Fillon. Pour y parvenir, il faudra agir sur tous les leviers de la politique migratoire.

En premier lieu, il convient de restreindre les flux de migration pour « raisons familiales » dont on oublie souvent qu’ils ne se limitent pas au regroupement familial : ils représentent la principale cause d’entrées sur le territoire (92 000 en 2015, 41% du total) qui alimente le phénomène « d’auto-engendrement » de la migration familiale, mis en lumière par la démographe Michèle Tribalat. Le renforcement des conditions d’accès à la nationalité (105 000 naturalisations en 2014) doit, lui aussi, contribuer à endiguer ce phénomène mais surtout à élever l’effort d’intégration demandé à tout candidat à la naturalisation.

L’immigration de travail (21 000 entrées en 2015, 9%) doit, elle, être réduite à son minimum tant que les conditions socio-économiques, en particulier le chômage, sont telles que nous les connaissons. De même, la politique d’accueil des étudiants étrangers (70 000 en 2015, 31%) doit moins servir de filière d’immigration détournée qu’à attirer les talents du monde entier. Quant à la politique de l’asile (63 000 demandes d’asiles en 2015), elle doit être refondée pour empêcher que les flux des autres voies d’immigration ne se reportent sur elle et qu’elle reste accessible à ceux qui en ont réellement besoin.

Enfin, il doit être mis fin à la banalisation de l’immigration illégale en proposant un statut nouveau aux irréguliers (assimilable à celui de guest workers) mais en renvoyant sans recours possibles ceux qui choisissent de rester dans la clandestinité. L’aide médicale d’État (AME) doit naturellement être supprimée.

Le deuxième objectif, celui d’un meilleur contrôle des frontières, nous amène à poser la question de l’Europe que le géographe Gérard-François Dumont qualifie de « premier espace d’immigration au monde ». Il convient de cesser d’opposer frontières nationales et frontières européennes pour entrer dans une logique de double ligne de contrôle. Faut-il rappeler que les accords de Schengen prévoyaient la possibilité de réintroduction temporaire des contrôles aux frontières nationales en cas d’afflux inopiné de clandestins ? Ce sont bien ces accords que la Hongrie a appliqué à l’été 2015 !

L’UE doit à ses peuples de faire du contrôle de ses frontières une priorité dans les prochaines années – fut-ce au prix de l’abandon d’autres politiques : en refondant les règles de l’espace Schengen, en définissant mieux les missions de l’agence Frontex et en triplant son budget, en travaillant à la convergence des règles en matière d’asile et établissant une liste stricte des pays d’origine sûrs au sein de l’UE. Un objectif de 5 000 garde-frontières et garde-côtes pris en charge par l’UE serait un signe tangible de son volontarisme. De même que l’application du principe de subsidiarité qui limiterait les interventions européennes sur la politique d’accueil et d’intégration des États membres. A Strasbourg, il est enfin temps d’exiger une réforme en profondeur de la Cour européenne des droits de l’homme, qui s’est arrogé des droits exorbitants.

Mais tout cela ne suffira pas si, troisième objectif, l’exigence d’intégration n’est pas remise au cœur de notre politique migratoire. Celle-ci doit impérativement être pensée à l’aune des capacités d’intégration – celles de notre pays comme celles du candidat à l’immigration. Ces dernières consistent en sa volonté d’adopter les « formes de vies », selon la belle expression de Pierre Manent, qui assurent la cohésion d’une société qui le précède et qu’il choisit de rejoindre.

Comment faire ? D’abord en étant intransigeant sur la maîtrise du français. Il est légitime d’attendre des personnes qui s’installent sur notre territoire un niveau qui leur permette de communiquer, de travailler ou d’y suivre une scolarité. Le niveau exigé aujourd’hui est trop faible pour assurer l’autonomie de l’immigré. Il convient donc de l’élever afin de garantir son indépendance linguistique.

Ensuite, comme le fait la Suisse, en faisant des acteurs locaux, et d’abord de la commune, les premiers acteurs de l’intégration. La connaissance fine des réalités locales, la capacité à évaluer le degré d’intégration d’une personne, la réactivité face à une situation problématique sont avant tout locales. En Suisse, c’est donc sous le regard de leurs voisins qu’il est demandé aux immigrés de faire les efforts d’intégration qu’on attend d’eux ; c’est au plus près de leur lieu d’habitation qu’ils trouvent les outils mis à leur disposition pour y parvenir (les cours de langue se passent en mairie, par exemple).

Enfin, le plus important sans doute, en ajoutant un volet culturel à la formation civique et linguistique dispensée à tout étranger désireux de s’installer en France. Il faut réaffirmer la nécessité pour les immigrés de s’adapter à la culture et aux coutumes françaises, non pas dans une optique de hiérarchisation des cultures ou d’humiliation, mais parce que c’est la seule façon de sauvegarder les conditions d’une vie commune. Il est naturel et normal que les « formes de vie » de la communauté d’accueil priment dans les aspects courants de la vie sociale (habitudes alimentaires, références historiques et culturelles, égalité entre les hommes et les femmes, fêtes chômées du calendrier, etc.).