Présidentielle 2017 · L’heure du choix

Philippe Maze-Sencier, Senior Director, McLarty Associates (Washington), membre du Conseil d’administration de l’Institut Thomas More

21 avril 2017 • Opinion •


Croissance molle, chômage de masse endémique, perte de compétitivité, déficit budgétaire persistant, montée de la pauvreté, incapacité à se réformer, etc. Pas une semaine ne s’écoule sans que de nouveaux chiffres, implacables, ne soulignent un peu plus l’évidence du déclassement de la France, devenue l’homme malade de l’Europe. De Bruxelles à Berlin, l’irresponsabilité française lasse au point que l’on se demande non seulement si notre pays est encore capable d’enrayer son déclin mais si Paris, dans son inconséquence, ne va pas entraîner l’Europe dans sa chute. La France tranche sur la scène européenne par son incapacité au cours des deux derniers quinquennats à mettre en œuvre les réformes structurelles nécessaires à son redémarrage.

Une réalité économique catastrophique

Le dernier rapport de la Cour des comptes – qui devrait être au cœur du débat présidentiel mais qui a été enterré aussi vite que possible – reste le meilleur moyen de prendre la mesure de la réalité économique du pays et d’en reconnaitre l’état catastrophique : 3,5 millions de chômeurs, 8,8 millions de pauvres, 1,1 % de croissance, 48,1 milliards d’euros de déficit commercial, 2 200 milliards d’euros de dette. Selon un rapport du cabinet d’audit PwC, paru en février dernier, le PIB de la France pourrait décrocher de la sixième à la douzième place mondiale d’ici 2050, derrière celui du Mexique et de la Turquie, alors que l’Allemagne ou le Royaume Uni se maintiendraient eux dans le Top 10 mondial.

En dix ans, la fiscalité française a augmenté de 2,4% du PIB, plaçant notre taux de prélèvements obligatoires parmi les plus élevés d’Europe, tout comme notre niveau d’imposition sur les sociétés alors qu’il rapporte peu. Le taux de chômage a augmenté de plus de 2% et la jeunesse de France est frappée par une entrée sur le marché du travail particulièrement difficile et un futur incertain. Pour autant, hormis François Fillon, aucun des candidats à la présidentielle ne s’interroge sérieusement sur l’échec à 60 milliards d’euros par an de l’Éducation nationale ou sur les insuffisances et l’inefficacité de la formation professionnelle qui, à 32 milliards d’euros par an, est incapable d’affecter l’un des taux de chômage et notamment de chômage de longue durée les plus élevé d’Europe. L’indice DESI de la Commission européenne classe la performance des pays de l’UE en termes d’économie et de société numérique. Alors que le numérique est la clé de l’économie et des emplois de demain, la France perd deux places en un an, se classant en 2016 au seizième rang européen. Notre pays se retrouve avec un DESI inférieur à la moyenne de l’UE, dans le groupe des pays « à la traîne ».

La survie de la France dans la cour des grands

La France régresse parce que ses élites sont incapables d’imaginer comment réformer un système qui depuis quarante ans a fait la preuve de son inefficacité – chômage record, impôts records, déficits qui s’accumulent, dette qui ne cesse de croître. Ce modèle social « à la française », dont aucun de nos partenaires européens ne veut, a pour résultat un pays dont le déclassement est de plus en plus difficile à cacher. Il est temps de regarder la vérité en face et d’appeler les choses par leur nom. Mais quand François Fillon eut le courage de dire en 2007 qu’il était « à la tête d’un État en faillite », il se retrouva cloué au pilori par une classe politique unanime dans le déni, le renoncement et l’immobilisme.

Pourtant, rien n’est écrit et rien, sauf notre propre renoncement, n’oblige la France à sortir de l’histoire. Car la croissance économique, contrairement à la théorie qui sous-tend tout le programme du candidat socialiste, n’est pas morte. Selon la même étude PwC, le PIB de l’économie mondiale devrait plus que doubler d’ici à 2050, dopé par le dynamisme des pays émergents. Mais si rien n’est écrit, encore faut-il que la France se ressaisisse et se donne les moyens de continuer à voir sa voix porter.

Notre pays a besoin de réformes d’ampleur pour retrouver le chemin de la croissance et de l’emploi, pour libérer les énergies, redonner de la compétitivité à ses entreprises, redonner des marges de manœuvre à l’État et refocaliser son système éducatif sur sa vocation à former des citoyens confiant dans leur avenir, car ils auront été préparés à être des membres actifs de la res publica mais auront aussi été formés pour répondre aux besoins d’un monde du travail en profonde mutation. Des réformes pour recentrer l’action de l’État sur ses fonctions régaliennes comme l’ont fait nos partenaires et non pour qu’il s’emploie, avec le succès que l’on sait, à la gestion d’entreprises. Avec cette présidentielle, la France joue sa survie dans la cour des grands, tout comme sa capacité à offrir de nouveaux horizons à sa jeunesse dans lesquels croire.

L’heure du choix

Le programme de François Fillon est audacieux et malgré ce qu’en disent ses contempteurs, il est juste. Il affiche sa volonté de s’attaquer à l’obésité de l’Etat tout en s’engageant à refaire du système éducatif français l’un des meilleurs du monde. Il veut libérer l’économie française, la focaliser sur l’innovation pour lui redonner le dynamisme qui lui fait défaut, pour la faire croître à nouveau au moins autant que celle de ses grands partenaires et concurrents, et voir ainsi enfin refluer le cancer du chômage. Ce programme n’est ni brutal, ni injuste. Car l’injustice, c’est de prétendre que tout a été fait pour lutter contre le chômage alors que l’on ne fait que le gérer socialement. La brutalité, c’est de laisser 10% de nos compatriotes sur le bord de la route, et de ne pas tout essayer pour les aider à se remettre en selle. Combattre cette injustice, c’est se donner enfin les moyens de remettre notre économie en marche pour offrir une opportunité aux 3,5 millions de nos compatriotes qui sont aujourd’hui en recherche d’emploi. Mettre fin à cette brutalité, c’est créer les conditions qui permettront aux près de 9 millions de français qui souffrent de la pauvreté de retrouver l’espérance, un avenir et toute leur place au sein de notre société.

La mise en œuvre du programme de Marine Le Pen serait tout simplement catastrophique pour l’économie de notre pays et un déni de ses valeurs, celles qui lui ont données cette place si singulière sur l’échiquier mondial. Si Emmanuel Macron est lui aussi capable de mettre un diagnostic juste sur les maux qui affligent notre pays, l’équipage brinquebalant qu’il emmène, de Robert Hue à Alain Madelin, semble bien peu à même d’apporter à la France la radicalité et le changement de logiciel nécessaires à son relèvement, sans même parler d’une majorité d’idées claire à l’Assemblée nationale autour d’un projet cohérent.

François Fillon est le seul à offrir une vision sous-tendue par un programme solide, à la hauteur des enjeux. Il a commis des erreurs. Erreur de jugement d’abord, erreur de communication ensuite, qui ont conduit à une véritable déception et à la défiance. Mais il a également fait preuve d’une détermination sans faille dans l’adversité et d’une force de caractère que bien peu lui reconnaissait, démontrant par là-même qu’au-delà d’un programme mûrement réfléchi, il était le seul capable de remettre notre pays sur les rails, offrir un avenir à sa jeunesse et faire que la voix de la France soit à nouveau audible et respectée au-delà de nos frontières.