Libertés religieuses · Le Parti communiste chinois contre les religions

Emmanuel Dubois de Prisque et Jean-Sylvestre Mongrenier, chercheurs associés à l’Institut Thomas More

Septembre 2019 • Note d’actualité 60 •


Ce lundi 23 septembre 2019 s’est ouverte l’Assemblée générale de l’ONU. Si la crise iranienne polarise l’attention, les Nations Unies sont aussi un théâtre sur lesquels s’exaspèrent les relations sino-américaines. Il est probable que l’allocution de Donald Trump y fasse référence. Dans ce conflit multidimensionnel, la question de la liberté en général et des libertés religieuses en particulier a toute son importance. Le 18 juillet, Mike Pompeo, secrétaire d’Etat américain, a proposé la formation d’une Alliance pour les libertés religieuses. L’erreur serait d’y voir un simple opportunisme diplomatique. Le Parti communiste chinois persécute massivement croyants et fidèles : ses pratiques bafouent les règles de juste conduite et les exigences spirituelles de notre « civilisation de la personne ».


Pour le Parti communiste chinois (PCC), les religions sont le produit de la « superstition » et elles ont vocation à disparaître. Durant la période maoïste, les persécutions sont massives. Si, dès les années 1950, l’Etat communiste a reconnu l’existence de religions « officielles » (Catholicisme, Protestantisme, Islam, Bouddhisme et Taoïsme), cette reconnaissance vise à mieux contrôler et surveiller les institutions religieuses ainsi qu’à neutraliser les effets que ces institutions pourraient avoir dans la sphère politique. Pire encore, dans un renversement à la fois logique et paradoxal, les religions sont parfois assimilées aux « démons » que les religions traditionnelles chinoises (taoïsme et religion populaire) avaient vocation à expulser de la cité des hommes. Ainsi, jusque dans sa persécution des religions, le PCC reste tributaire du « paradigme démonologique » (Barend Ter Haar) propre à la religion traditionnelle chinoise.

Depuis la politique d’ouverture mise en place par Deng Xiaoping dans les années 1980, la religion a pourtant retrouvé une certaine place dans la société chinoise. Si le Parti abandonne la politique maoïste de persécution systématique, c’est au profit d’une instrumentalisation tout aussi systématique. Les autorités locales font des lieux de cultes et des monastères traditionnels des ressources touristiques visant à favoriser la croissance économique des territoires administrés. Les associations bouddhistes et musulmanes sont utilisées par le Parti pour développer des liens privilégiés avec les pays étrangers où ces confessions sont dominantes.

Depuis quelques années, la politique chinoise à l’égard des religions est marquée par un nouveau revirement. Dès son accès au pouvoir, en 2013, Xi Jinping met rapidement en place une politique de « sinisation » des religions, visant à transformer en profondeur celles-ci pour les vider de toute pertinence politique et les transformer en instrument de contrôle des populations. Ainsi le Parti cherche-t-il à coopter les responsables religieux pour en faire des affidés du régime. Ceux qui refusent de collaborer sont les victimes d’une dure répression. Cette répression s’inscrit dans le cadre d’une lutte idéologique de la Chine contre l’Occident accusé de vouloir « polluer » la pureté de la pensée marxiste et traditionnelle chinoise. Le christianisme protestant qui se développe rapidement en Chine inquiète particulièrement les autorités. La politique de sinisation vise aussi à lutter contre le regain que connaît la pratique de l’islam chez les Ouïghours (qui va parfois jusqu’au djihadisme), mais aussi dans une certaine mesure chez les Huis, minorité religieuse appartenant à l’ethnie majoritaire des Hans. Le bouddhisme et même le taoïsme ne sont pas épargnés. En fait, le Parti se conçoit de plus en plus ouvertement comme la seule source légitime de spiritualité.

La question des Ouïghours

En matière d’actualité, la question géopolitique du Sin-Kiang et le sort des Ouïghours illustrent l’irrespect des libertés religieuses en République populaire de Chine. Le Sin-Kiang (Xinjiang) correspond à la partie orientale de l’ancien Turkestan, un vaste territoire (1,6 million de km²) sur lequel se répartissent environ onze millions d’Ouïghours, l’une de ces ethnies turco-mongoles qui, à partir des sixième et septième siècles après J.-C., ont supplanté les anciens peuples indo-européens de la région (1). Après la bataille de Talas (751) qui voit la victoire des Arabes sur les troupes chinoises, ces ethnies ont été islamisées. C’est bien plus tard, au cours des dix-septième et dix-huitième siècles, que les Chinois conquièrent le Turkestan oriental, leur Xinjiang (« Nouvelle frontière »). Les insurrections des Ouïghours, nombreuses, sont soutenues par la Russie puis l’URSS qui suscite une « république du Turkestan oriental », jusqu’à la victoire des communistes chinois (1949). Dans les années 1960, Moscou appuie un parti nationaliste ouïghour ainsi que des cellules combattantes (2). Depuis, Pékin a renforcé son emprise sur cette région stratégique en y installant des colons Hans, y compris des « soldats-laboureurs », et recrute une partie de ses policiers chez les Huis (des Hans de religion musulmane). De manière constante, les Ouïghours subissent des discriminations ethniques, la répression de leur religion et diverses vexations (inspections vestimentaires à domicile ou dans la rue, taille des barbes), le refus de regarder ou d’écouter la radio-télévision d’État étant synonyme de radicalisme et de terrorisme.

Depuis le 11 septembre 2001, plus encore après les émeutes du 5 juillet 2009 à Ouroumtsi (Urumqi), la situation s’est aggravée. Les différentes associations ouïghoures à l’étranger, dont le Congrès mondial des Ouïghours (Munich) et le Uyghur Human Rights Project (New York), sont assimilées au Mouvement islamique du Turkestan oriental. Les liens tissés au sein de l’Organisation de coopération de Shanghaï servent aussi à verrouiller le Sin-Kiang (3). En réaction à cette politique répressive qui renforce la puissance d’attraction du djihadisme global, la situation s’est dégradée dans la ceinture d’oasis située au sud du désert du Taklamakan. Al-Qaida et l’« État islamique » ont développé leurs franchises ouïghoures et plusieurs attentats ont été commis. Il existe également une émigration clandestine, avec la Malaisie pour pivot, jusqu’en Turquie et sur le théâtre syro-irakien. Bref, la politique chinoise au Sin-Kiang contribue objectivement au djihadisme global. Confrontés à cette question géopolitique sensible, les gouvernements occidentaux se sont longtemps montrés discrets, tant prendre de front la « superpuissance » chinoise semble désormais inenvisageable, à l’exception des États-Unis. Si la politique étrangère américaine, par négligence ou confiance excessive dans les vertus libérales du développement économique de la Chine populaire, a tardé à mettre en avant la question des Ouïghours, le fait est qu’elle s’impose désormais comme un axe diplomatique majeur (voir l’Alliance internationale pour la liberté religieuse, 18 juillet 2019).

Il serait erroné de voir dans l’initiative prise par Mike Pompeo une mesure opportuniste subordonnée aux enjeux et aux développements du confit commercial américano-chinois. De longue date, le soutien à la liberté religieuse est une composante de la diplomatie américaine. Dans le cas des Ouïghours, le fait est que les informations des dernières années sur la persécution de masse dont ils sont victimes ont transformé la manière dont cette question était appréhendée en Occident. La réalité des choses dépasse en effet la « simple » répression ethnique et religieuse dont ce peuple est la victime. En 2017, Radio Free Asia a révélé l’existence d’un système concentrationnaire qui, au demeurant, s’inscrit dans le prolongement de ce que l’histoire du maoïsme et de la Chine populaire nous enseigne (voir le Laogaï, i.e. le goulag chinois, et ses millions de victimes). Ensuite, diverses enquêtes et un rapport publié par Human Rights Watch, le 10 septembre 2018, a établi qu’un million de Ouïghours ont été ou sont emprisonnés dans ces « camps de rééducation patriotique ». Il faut y ajouter de nombreux Kazakhs de citoyenneté chinoise, autre population turcophone et musulmane. Le pouvoir répressif chinois a établi une liste de soixante-quinze critères de « radicalisation » qui ouvrent sur un total arbitraire. Le moindre signe de religiosité ou de piété, le fait d’avoir des parents déjà emprisonnés, celui de constituer des provisions ou de couper son téléphone portable sont autant de critères menant à l’enfermement. Ces malheureux subissent tortures, lavages de cerveaux et humiliations publiques. Dès le plus jeune âge, les enfants sont séparés de leurs parents « extrémistes » et envoyés dans des « centres de secours ». Jusqu’alors, la pression internationale est demeurée limitée. Au regard de la grande discrétion des pays musulmans, la récente lettre adressée par les gouvernements occidentaux aux responsables des Nations unies en matière de droits de l’homme fait figure d’audace diplomatique (4).

Encore et toujours le Tibet

La répression de masse contre les Ouïghours musulmans ne saurait occulter celle que les Tibétains subissent. Au vrai, c’est l’un des principaux responsables de la répression chinoise au Tibet, dans un passé récent, qui a été chargé de durcir la politique de Pékin au Sin-Kiang. Longtemps, la cause du Tibet aura suscité un certain engouement dans les opinions publiques occidentales, la diffusion d’une version souvent édulcorée du bouddhisme tibétain (le Vajrayâna, branche ésotérique du Grand Véhicule ou Mahayana) constituant un puissant vecteur. Dans l’espace de langue française, peut-être ne faut-il pas négliger par ailleurs le succès du fameux Tintin au Tibet publié par Hergé (5), un an après le soulèvement tibétain de 1959. La cause tibétaine gagne en ampleur au moment de la remise du Prix Nobel de la Paix au Dalaï-lama, en décembre 1989. L’idée d’une fin libéral-démocrate de l’Histoire domine alors certains esprits, et ce malgré les massacres de la place Tienanmen six mois plus tôt. Aussi les gouvernements occidentaux soutiennent-ils l’idée d’un Tibet autonome au sein d’une République populaire de Chine où les libertés fondamentales et les droits des minorités ethniques seraient pleinement respectés. En 2008 encore, au moment des Jeux olympiques de Pékin, des capitales occidentales n’hésitent pas à rappeler le sort funeste des Tibétains et à accueillir le Dalaï-lama.

Depuis, la pression chinoise s’est accrue, la figure du Dalaï-lama s’efface des esprits et l’ignorance gagne. Il est frappant de voir la rapidité avec laquelle la question du Tibet a été reléguée à l’arrière-plan. Simultanément, la vogue de la « méditation laïque », nouvelle version du développement personnel, recouvre l’intérêt passé pour le bouddhisme tibétain. En conséquence, le rappel des « grandes masses » s’impose. Appréhendée sur les temps longs, l’histoire des relations sino-tibétaines n’est pas réductible à la domination immémoriale de la Chine. Il a même existé un empire tibétain qui disputait à la Chine le contrôle des routes de la soie. A l’époque du « Grand Jeu » anglo-russe en Haute Asie, le Tibet était parvenu à une forme de reconnaissance internationale, au moyen d’un traité commercial anglo-tibétain (1904), puis d’un accord diplomatique sur les frontières avec l’Empire des Indes (1914). Dans l’entre-deux-guerres, le prédécesseur de l’actuel Dalaï-lama entame une politique de modernisation. Le retournement de la conjoncture intervient avec la victoire de Mao Zedong. Dès 1950, l’Armée populaire de libération (APL) fait irruption sur le « Toit du Monde » et, l’année suivante, elle entre dans Lhassa pour y imposer un « Accord en 17 points ». Toutefois, les Chinois se heurtent à une vive résistance armée. Dans la nuit du 16 au 17 mars 1959, le Dalaï-lama doit fuir Lhassa afin de se réfugier en Inde (6). A Dharamsala, il implante un gouvernement en exil. Le Tibet est ensuite victime d’un acharnement iconoclaste et athée principalement dirigé contre les monastères et moines bouddhistes ainsi que la langue et la culture de cet ancien peuple, promis à la submersion par la démographie des Hans.

De part en part, la conquête du Tibet et la répression auront été meurtrières. Le 7 octobre 1950, l’entrée de l’APL dans le Tibet oriental provoque des combats qui font plus de 8000 morts du côté tibétain (voir la bataille de Chamdo). Dans l’année qui suit la prise de possession du territoire, Lhassa se soulève (11 mars 1952). En 1955 et 1956, ce sont les Tibétains du Kham et de l’Amdo qui réagissent aux attaques contre le clergé, et ces révoltes sporadiques se généralisent (7). Pékin envoie quelque 150 000 hommes et l’aviation chinoise rase des villages entiers. En mars 1959, Lhassa se soulève à nouveau : 2000 à 10 000 Tibétains sont tués, 4000 sont prisonniers, sur un total de 40 000 habitants. La répression s’étend à l’ensemble du Tibet. Outre les massacres et les déportations (70 000 Tibétains envoyés au Laogaï), des monastères sont détruits, leurs œuvres d’art sont pillées et le Tibet est frappé par une grave famine. En 1959 et 1960, 80 000 Tibétains fuient vers l’Inde et le Népal. Désormais, les monastères sont systématiquement détruits, les moines et les nonnes sauvagement réprimés et leurs richesses volées (un grand nombre de précieuses reliques sont entreposées dans la Cité interdite, à Pékin). Entre 1950 et 1975, environ un million de Tibétains (soit le sixième de la population) auraient perdu la vie et 6000 monastères auraient été détruits. Le Tibet a connu d’autres phases aigües de répression, notamment après les soulèvements de mars 2008. Le bouddhisme tibétain est sous contrôle et Xi-Jinping est décidé à nommer le prochain Dalaï-lama (8).

Le christianisme et l’avenir de la Chine

Dans le cas des Ouïghours et des Tibétains, le religieux et l’ethnique sont intriqués. Les uns et les autres ne sont pas des Hans et, nonobstant l’ampleur de la répression, le pouvoir chinois ne voit pas dans leur pratique religieuse une menace fondamentale sur l’avenir de la Chine populaire. Il n’en va pas de même pour la foi chrétienne. Contrairement à ce que veut faire croire le régime, il existe une longue histoire du christianisme en Chine et, au fil des siècles, ce christianisme autochtone exerce sur la société chinoise une influence qui est loin d’être négligeable. Plus encore, une bonne part de l’idéologie communiste des origines, égalitariste et messianique, n’aurait pu prendre pied en Chine sans l’influence précurseur des missions protestantes et catholiques en Chine. La secte des Taiping, un mouvement politico-religieux d’un christianisme très hétérodoxe (le fondateur du mouvement prétendait être le frère cadet du Christ) qui parvint presque à force de massacres à renverser la dynastie sino-mandchoue des Qing, au XIXe siècle, était parfois considérée comme une source d’inspiration par les fondateurs du PCC (9). Plus généralement, les nombreuses missions chrétiennes en Chine, fondées au XIXe  siècle ont aussi été à l’origine d’avancées sociétales décisives. Parce que les filles étaient parfois considérées par les familles comme une charge inutile, l’infanticide des bébés féminins était encore largement répandu dans la Chine du XIXe  siècle. A cette époque, et à la suite de campagnes dans la presse européenne, les missions ont pu créer grâce aux fonds récoltés de nombreux orphelinats au cœur de l’Empire chinois (on en dénombrait 101 dès 1875) qui prenaient soin des bébés abandonnés et s’occupaient de l’éducation des jeunes filles dans un pays où l’illettrisme féminin était la règle. Des catholiques chinois, tel par exemple l’intellectuel d’ethnie mandchoue Ying Lianzhi, étaient en pointe dans la lutte contre la pratique barbare des pieds bandés par laquelle on brisait les pieds des jeunes femmes chinoises au point parfois de les faire boiter à vie. La tradition le voulait ainsi et, semble-t-il, les hommes chinois trouvaient cela sexuellement attirant.

Malgré ces indéniables avancées en matière de mœurs, le Parti communiste chinois ne s’est guère montré tolérant à l’égard du christianisme qu’il a persécuté avec constance et qu’il n’a jamais hésité à stigmatiser comme « religion étrangère ». Aujourd’hui, le christianisme est même considéré par le PCC comme une menace existentielle, alors que les conversions au sein de la population chinoise semblent se multiplier à un point tel que certains spécialistes (dont Yang Fenggang) n’hésitent pas à affirmer que la Chine pourrait devenir, en nombre de pratiquants, le premier pays chrétien au monde dans les décennies à venir. Aussi les mesures répressives se multiplient-elles. Certaines églises sont transformées en « centre de service civilisationnel pour une nouvelle ère » visant à inculquer « la pensée socialiste de Xi Jinping avec des caractéristiques chinoises » dans l’esprit des citoyens (10). Les Dix commandements sont considérés comme subversifs (en particulier le premier « Tu n’auras pas d’autre dieu devant ma face ») et bannis des églises. La vente de bibles en ligne est interdite, les seuls exemplaires autorisés étant vendus dans les églises officielles. Dans certaines régions, la participation à la messe est interdite aux mineurs, tout comme la catéchèse. Les systèmes de vidéosurveillance se généralisent dans les lieux de culte qui restent formellement interdit aux membres du Parti. Les signes religieux extérieurs (croix au sommet des édifices par exemple) disparaissent. Certaines églises sont même détruites, sous divers prétextes.

Le Parti estime qu’il est engagé dans une lutte vitale contre le christianisme, religion qui inspire ceux qu’ils considèrent comme ses pires ennemis : avocats, défenseurs des droits de l’homme, manifestants à Hong Kong où le christianisme est très influent. Les troubles que connaît la région administrative spéciale sont la preuve, du point de Pékin, de la nocivité de cette religion qui établit un ordre de fidélité concurrent et parfois même opposée à la fidélité qu’exige le pouvoir chinois de ses sujets. A Taïwan même, celui que beaucoup considèrent comme le « père » de la nation taïwanaise, Lee Teng-hui, un chrétien presbytérien, n’a pas autrefois hésité à s’identifier à un « Moïse » moderne, ayant mené au-delà de la Mer rouge son peuple pour le libérer du joug d’un pharaon chinois (11). Cette référence biblique n’est pas passée inaperçue à Pékin où les autorités ont alors pris conscience du défi tout uniment politique et religieux qui leur était lancé au-delà du détroit de Taïwan.

C’est dans ce contexte délicat que le Saint-Siège a conclu un accord avec le PCC en septembre 2018. S’il est encore difficile, un an plus tard, de faire un bilan objectif d’un texte dont les termes restent secrets, il faut être pleinement conscient de la lutte contre le christianisme dans laquelle le Parti est  engagé. Son but n’est pas de cohabiter avec les religions, mais de les soumettre et de les transformer en profondeur, au point d’en faire des instruments de son pouvoir total et sans partage sur la société.

Conclusion

Il y a tout juste vingt ans, Pékin lançait une persécution féroce contre le groupe Falungong, un mouvement s’inspirant des pratiques ancestrales du Qigong, né dans le giron du Parti avant de s’en émanciper, au point de menacer son hégémonie sur la société chinoise. Cette répression s’est conclue par une victoire totale du Parti : ce mouvement comptait autant d’adeptes que le parti communiste revendiquait de membres (il s’agissait d’ailleurs parfois des mêmes personnes) ; il est aujourd’hui éradiqué, son influence est quasi-nulle et ses adeptes ayant pu échapper aux persécutions sont réfugiés à l’étranger. Il ne faut donc négliger ni la détermination, ni les moyens du pouvoir chinois (qui sont bien supérieurs à ceux dont il disposait il y a vingt ans).

Le 1er octobre 2019, le Parti aura d’ailleurs l’occasion de faire étalage de ces moyens lors des festivités qui marqueront le soixante-dixième anniversaire de la création de la République Populaire de Chine. A la fois euphorisé par sa puissance retrouvée et inquiet de la réaction américaine, le pouvoir chinois durcit actuellement le ton contre les religions. Le pouvoir est pleinement conscient que c’est sur ce plan théologico-politique que son destin se joue. De plus en plus de Chinois sont tentés de faire sécession, et de déclarer leur indépendance spirituelle à l’égard du Parti. Celui-ci ne les laissera pas faire. Soyons assurés que le rapport de l’Occident à la Chine populaire se joue et se teste également sur le terrain des libertés religieuses. Déni ou complaisance ne sont pas de mise.

Notes •

(1) Il s’agit notamment des Scythes, des Tokhariens et des Sogdiens.

(2) Soviétiques et Chinois s’affrontent alors sur les rives de l’Oussouri (1969).

(3) Le Sin-Kiang constitue une région stratégique dont la valeur a été rehaussée par les essais nucléaires de Pékin dans l’est du bassin de Tarim. La région comprend des gisements énergétiques et miniers ainsi que des campas du Laogaï.

(4) Vingt-et-un pays occidentaux ainsi que le Japon sont les rédacteurs de cette lettre, datée du 8 juillet 2019, qui dénonce les détentions arbitraires de Ouïghours. Par crainte de mesures de rétorsion, certains signataires ont refusé que cette lettre ait un caractère officiel.

(5) En 2006, à Bruxelles, le Dalaï-lama, chef temporel et spirituel du gouvernement tibétain en exil, a remis le prix Lumière de la vérité à la Fondation Hergé. A l’origine de ce prix, le mouvement tibétain International Campaign for Tibet (ICT), fondé en 1998, une ONG qui possède des bureaux à Washington, Bruxelles, Berlin et Amsterdam.

(6) Dans la nuit du 16 au 17 mars 1959, c’est à la tête d’une colonne de trois cents personnes, sous la protection de Khampas, que le Dalaï-lama quitte la ville sainte. Commence une longue fuite à travers les hauts-plateaux et les cols neigeux de l’Himalaya, sans que l’aviation chinoise ne parvienne à localiser cette colonne.

(7) Par l’intermédiaire de la CIA, les Etats-Unis forment les guérillas de l’Est auxquelles ils livrent des armes et du matériel radio La région du Mustang, au Népal, sert de base arrière à ces opérations et des résistants tibétains sont entraînés dans l’île de Sa’ Pan (océan Pacifique).

(8) « C’est à la fois troublant et ironique de voir que le parti continue de se prévaloir d’un rôle dans le processus de réincarnation du Dalaï-lama, alors même que le président Xi Jinping a exhorté ses membres à rester inflexibles dans leur marxisme athée, a déclaré le secrétaire d’Etat américain adjoint pour l’Asie de l’Est, David Stilwell (audition parlementaire, 18 septembre 2019). « Nous pensons que les Tibétains, comme toutes les communautés religieuses, doivent pouvoir pratiquer leur foi librement et choisir leurs chefs sans ingérence », a-t-il prévenu, assurant que les Etats-Unis continueraient de faire pression pour que le Tibet accède à une « autonomie significative ».

(9) Dans le mouvement Taiping, il importe de prendre aussi en compte une composante messianique propre au bouddhisme : voir l’attente de Maitreya (« Le Bienveillant »), le Bouddha du futur qui restaurera le Dharma (la Loi bouddhique).

(10) Tang Zhe, « Des églises transformées au nom de la « civilisation » », Bitter Winter, 14 septembre 2019.

(11) Entretien donné à l’hebdomadaire japonais Asahi Weekly et traduit et publié en français dans la revue Perspectives Chinoises, n°23, mai-juin 1994, pp. 57-61.