Le fédéralisme, c’est maintenant • Propositions pour fonder une Fédération européenne à 17 au sein d’une Union européenne à 27

Paul Goldschmidt, membre du Conseil d’Orientation de l’Institut Thomas More, ancien directeur à la Commission européenne

         

Septembre 2012 • Note 13 •


Et si le fédéralisme, c’était maintenant ?… Lors de sa conférence de presse à l’issue du Conseil européen des 28 et 29 juin dernier, François Hollande a exprimé sa préférence pour une intégration plus poussée entre les membres de l’Union économique et monétaire (UEM) plutôt que de s’acharner à trouver des compromis insatisfaisants à 27. Si l’objectif final semble clair – l’Union politique, chère à la Chancelière Angela Merkel mais qui, selon lui, « n’a pas de contenu pour l’instant » –, le chemin pour y parvenir reste entièrement flou. Il est, cependant, pavé de bonnes intentions en faisant appel à un renforcement progressif de la « solidarité » au fur et à mesure de l’introduction de mesures concrétisant l’intégration.

Depuis le mois de juin, le Président français a apporté quelques précisions utiles, lors de sa conférence de presse conjointe avec le Premier Ministre espagnol Rajoy. Il a fixé au 19 octobre (prochain Sommet européen) la « date butoir » pour la prise de décisions concrètes par le Conseil, à la lumière des propositions  attendues de la BCE, de la décision de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, du rapport de la Troïka sur la Grèce et des propositions de la Commission sur l’Union bancaire.

De fait, la BCE a fait, le 7 septembre, des nouvelles propositions claires et hardies dont la mise en œuvre est, cependant, entièrement tributaire de l’action qui sera entreprise en parallèle par les 17 gouvernements de l’UEM. Les moyens considérables que la BCE est prête à engager pour restaurer la confiance dans l’euro ne seront donc mobilisés que si les pays bénéficiaires sont encadrés par un plan de redressement, négocié dans le cadre des nouveaux traités avec un des mécanismes de stabilisation existant (FESF/MES). Il faut donc que l’Eurogroupe veille à la mise en œuvre opérationnelle du MES, négocie et approuve la conditionnalité des plans de redressement des pays demandeurs d’assistance et que l’Union avance sur les réformes structurelles et institutionnelles en profondeur que tout cela implique.

Intéressé de voir le président français dans de telles dispositions et désireux d’apporter sa contribution au débat des prochains mois, l’Institut Thomas More a élaboré une feuille de route en vue de baliser le parcours nécessaire pour atteindre cet ambitieux objectif. Pour ce faire, nous avons actualisé et refondu totalement 16 propositions que nous avions déjà formulées en 2007, en tenant compte naturellement de l’évolution du contexte politique, économique et social intervenu entre-temps, et en particulier :

a) Une évolution politique majeure en Europe renforçant une bipolarisation entre les tendances populistes et nationalistes sur fond d’euroscepticisme d’une part et le regain d’intérêt significatif pour une accélération du processus de « fédéralisation » de l’Union de l’autre. Il est très heureux que la discussion autour du thème « fédéraliste » gagne en ampleur et profondeur. Il faut cependant s’assurer qu’elle constitue une réelle ambition constructive et non un rempart purement défensif contre les tenants du repli sur soi.

b) La survenance de la crise financière qui a profondément impacté l’Union européenne, tant sur le plan interne qu’externe. Elle a fait ressortir au grand jour les faiblesses découlant du chantier inachevé de l’UEM dans laquelle une « union monétaire » partagée restait orpheline d’une « union économique » demeurée fragmentée, laissant à chaque pays membre une autonomie effective, notamment en matière budgétaire et d’endettement.

c) La prise de mesures, qui marquent des progrès importants au niveau de l’Union, avec la mise en œuvre des « recommandations Larosière » en matière de réglementation/supervision financière, la création des mécanismes d’intervention (FESF et MES), le renforcement du pacte de Stabilité et de Croissance, le Six Pack et Two Pack ainsi que le Traité de Discipline Budgétaire. Cependant, ces avancées ont été acquis au prix d’une complexification des structures institutionnelles (accords tantôt à 17, 24, 25 ou 27) rendant la lisibilité du fonctionnement de l’Union par le citoyen encore plus abscond. De surcroît, ces réformes, prises sous la pression de l’urgence, n’ont pas toujours apporté les réponses attendues aux défis posés par la crise.

d) La perception d’une interdépendance renforcée tant entre les membres de l’UEM qu’entre l’Eurozone et les autres grands acteurs de l’économie mondiale. Cette situation augmente considérablement la pression pour un renforcement de la solidarité au sein de l’UEM et une représentation intégrée de l’UE au sein des grandes enceintes internationales (ONU, FMI, OMC, G8, G20, etc.).

Cependant, la persistance et même l’aggravation récente des symptômes de la crise démontrent que ces efforts entrepris ne sont pas suffisants pour convaincre le citoyen et, accessoirement les marchés, que l’Union européenne offre encore les perspectives d’avenir capables de mobiliser les forces vives du continent. Ce travail de conviction est pourtant nécessaire pour forger un destin commun, seul capable d’assurer le maintien des valeurs civilisatrices, des progrès du bien-être et des acquis sociaux qui fondent la prospérité, la cohésion et le rayonnement de l’Europe.