Indemnité inflation · Un battement de cils par rapport à ce que vont subir les Français

Philippe Herlin, économiste

22 octobre 2021 • Opinion •


Jeudi soir, Jean Castex a présenté les contours d’une «indemnité inflation» destinée à soulager les ménages les plus fragiles. L’économiste Philippe Herlin, qui vient de publier la note « Cancel economy : pourquoi la transition énergétique est une catastrophe économique » pour l’Institut Thomas More, condamne une mesure qui intervient en bout de chaîne et ne s’attaque pas aux vraies causes de l’inflation.


C’est donc une « indemnité inflation » de 100 euros que toucheront au mois de décembre les Français gagnant moins de 2 000 euros net par mois (le salaire médian), une sorte de prime de Noël supplémentaire, mais plus largement distribuée puisqu’elle bénéficiera à 38 millions d’entre eux. Ainsi que l’expliquait Jean Castex jeudi soir sur TF1, une prime réservée aux seuls automobilistes auraient été « une usine à gaz » et, comme tous les prix augmentent, y compris l’alimentation, autant élargir la prime. L’automobiliste moyen qui roule 14 000 kilomètres par an, explique le Premier ministre, doit faire face, selon ses calculs, à 80 euros de surcoût pour remplir le réservoir de sa voiture. Il est sensé s’y retrouver mais, comme justement tous les prix progressent, il sera finalement perdant.

Cependant, la principale limite de cette « indemnité inflation » est qu’elle intervient en bout de chaîne et qu’aucune réponse aux causes de l’augmentation du prix des carburants n’est apportée. Au-delà du redémarrage de l’économie mondiale et des pénuries, qui expliquent en partie cette tension sur les prix, une cause profonde et durable est rarement citée : la planche à billets des banques centrales d’Europe et des États-Unis. Le bilan de la Banque centrale européenne (BCE) est passé de moins de 5 000 milliards d’euros avant le premier confinement de 2020 à plus de 8 000 milliards aujourd’hui, représentant ainsi 77% du PIB de la zone euro, ceci afin de racheter la dette des pays en déficit, dont la France. Tous ces euros et ces dollars créés par un simple jeu d’écriture font valser les étiquettes, les détenteurs de matières premières anticipent une perte de valeur et réévaluent leurs prix. En accroissant le déficit (la mesure coûtera 3,8 milliards d’euros), « l’indemnité inflation » concourt en réalité directement à l’inflation…

Mais une cause plus spécifique s’ajoute concernant le coût du carburant : la lutte contre le réchauffement climatique et la volonté de réduire les émissions de CO2 de 55% d’ici 2030, un objectif défendu par la Commission européenne, le gouvernement, et rappelé par Emmanuel Macron. Et ceux qui vont devoir absorber l’essentiel de cet effort, ce sont les ménages. L’industrie dépend de procédés qui ne sont pas modifiables du jour au lendemain : la fabrication de l’aluminium par exemple nécessite beaucoup d’électricité (c’est comme ça, on n’a pas trouvé de moyen plus économe) ainsi que l’agriculture (la seule marge d’action est de diminuer la consommation de viande). La seule vraie marge de manœuvre réside dans les ménages, à travers leurs déplacements et leur logement. C’est donc sur eux qu’il faut agir (ou taper, c’est selon…), d’où ce mouvement d’ampleur vers la voiture électrique (interdiction de construction de voitures à moteur thermique en 2035) ainsi que la lutte à marche forcée contre les « passoires thermiques », et même désormais contre la maison individuelle en tant que telle (« un non-sens économique, social et écologique », pour Emmanuelle Wargon, ministre du logement, qui a opéré un repli tactique depuis).

L’électricité devient de plus en plus chère à cause de cette « transition énergétique », conséquence de la lutte contre le réchauffement climatique. Les éoliennes devant être subventionnées pour être érigées, le consommateur les paiera dans sa facture. Le pouvoir d’achat en souffre déjà et ce n’est que le début : chez les 20% des ménages les plus modestes, l’énergie représente 15,9% des revenus – c’est de l’ordre de 10% pour les classes moyennes. Le nucléaire nous procure une électricité bon marché, mais les surcoûts de l’éolien vont engloutir cet avantage et la note sera de plus en plus salée.

Il faut « être moins dépendant des énergies fossiles » a rappelé Jean Castex et cela passe par la « taxe carbone », c’est-à-dire le renchérissement de ces sources d’énergie pour basculer vers l’électrique. À vrai dire, la France a anticipé depuis longtemps la taxe carbone sur l’essence puisqu’elle fait déjà l’objet de taxes considérables, à hauteur de 60% de son prix à la pompe. Mais elles ne diminueront pas, a rappelé le Premier ministre : ce serait aller contre cet objectif, dont on peut seulement se détourner quelque peu en période électorale.

Les ménages qui en dépendent subiront en outre de plein fouet le bouleversement que va connaître le secteur automobile, qui sera en grande partie sacrifié, notamment à la concurrence chinoise qui va pouvoir déferler en Europe avec ses modèles électriques. Et au-delà, tous les ménages verront leur pouvoir d’achat sérieusement entamé par les folles dépenses que le gouvernement devra engager pour cette transition énergétique : c’est la décroissance qui s’annonce.

Un autre gouvernement a proposé une meilleure solution afin de lutter contre cette hausse des prix de l’énergie : le report des plans de l’Union européenne en matière de climat. Il s’agir du gouvernement polonais. Voici une action qui agit en profondeur et sur les causes. Il est nécessaire de s’interroger sur le caractère d’urgence de ce réchauffement climatique anthropique, pour lequel parlent seulement des modèles, ceux du GIEC, mais pas encore de démonstration scientifique irréfutable. Un modèle n’est pas une preuve, il n’est pas infaillible : les épidémiologistes ou les économistes l’ont maintes fois montré à leur corps défendant. Cela ne signifie pas qu’il n’y a rien à faire en matière d’environnement mais le retour de la raison dans ces sujets serait bienvenu. Continuons de rechercher et d’analyser plutôt que d’assener.

Mais alors pourquoi cette « transition énergétique » possède-t-elle autant de force dans notre champ politique, et entraîne si peu de questionnements ? Parce qu’elle appelle et légitime une intervention tous azimuts de l’État et que cela correspond à la culture profonde de notre classe politique, de Marine Le Pen à Jean-Luc Mélenchon, d’Emmanuel Macron aux candidats LR, de Yannick Jadot à Anne Hidalgo, qui tous défendent avec une gourmandise à peine masquée cette lutte contre un réchauffement qui justifie toujours plus de bureaucratie, de normes, de taxes, de subventions, de clientélisme, de dépenses publiques : le paradis pour un politicien ! Les Français n’ont pas fini de souffrir.