Mettre fin à la France du « toujours plus »

Jean-Thomas Lesueur, délégué général de l’Institut Thomas More

1er avril 2014 • Opinion •


Les résultats plus sévères que prévu des élections municipales et le nouveau dérapage du déficit public et de la dette en France constituent assurément un désaveu pour Françoise Hollande, désaveu qui s’explique facilement : aussi bien l’homme, sa manière d’incarner la fonction que la politique conduite déçoivent ceux qui avaient cru en lui et heurtent ceux qui n’avaient pas voté pour lui. Contrairement au sentiment récemment prêté au chef de l’État, les urnes font équitablement justice de son bilan depuis deux ans.

Mais ces résultats constituent un enseignement plus large : entre abstention, vote à la gauche de la gauche et à la droite de la droite, plus de 45% des électeurs – près de 50% – refusent de donner leur voix aux « partis de gouvernement » – auxquels on peut ajouter les 7% environs de Français en âge de voter et qui ne sont pas inscrits sur les listes électorales. De son côté, si la droite retrouve des couleurs, elle aurait tort de triompher : sa force vient surtout de la faiblesse de la gauche.

La phase deux du quinquennat de François Hollande s’ouvre donc dans un contexte de défiance et de rejet qui, pour n’être pas nouveau, devient massif et dangereux – près de neuf Français sur dix considèrent que les responsables politiques ne se préoccupent guère de ce qu’ils pensent. Ce qui s’explique très bien : voilà 35 ans que les Français votent alternativement pour des hommes et des majorités incapables d’enrayer le déclin du pays et de répondre au « mal français » ressenti de si longue date…

Alors qu’on nous annonce – depuis deux mois… – la mise en œuvre énergique du « pacte de responsabilité », les événements ont contraint le chef de l’État à changer d’équipe gouvernementale. François Hollande va t-il saisir cette occasion ? Prendra-t-il la mesure de la profondeur des réformes à conduire, qui réclame non plus de simples retouches mais des conceptions nouvelles ? Verra-t-il que c’est le « modèle français » lui-même, centralisé et égalitaire, qu’il faut faire évoluer ? Comprendra-t-il l’urgence de changer non seulement de cap, mais de vision et de méthode ?

De cap d’abord, et vite. La politique de matraquage fiscal, depuis deux ans, a conduit l’économie à son point de rupture. Il y a urgence non seulement à redonner de l’oxygène aux entreprises et aux ménages mais à entreprendre la baisse structurelle de la dépense publique. L’Allemagne, notamment, a su le faire – moins 4 points en cinq ans. Un objectif de 3 points de PIB d’ici la fin du quinquennat, soit 60 milliards d’euros, paraît un minimum impératif. Mais pour y parvenir, il ne faut pas des coupes budgétaires, il faut des réformes structurelles, des remises à plat systémiques.

C’est là qu’une vision nouvelle s’impose en mettant fin à la France du « toujours plus » : toujours plus d’État, de dépenses publiques, de protection sociale, d’allocations, de règles et de contrôles, d’entraves aux libertés (d’entreprendre mais pas seulement)… Cela ne veut pas dire le far west, cela veut dire la confiance. Confiance dans les acteurs locaux, dans les entreprises, dans les associations et dans les personnes elles-mêmes. Un exemple ? L’école. Nous savons que la France dépense trente milliards d’euros de plus par an que l’Allemagne pour son système éducatif (primaire et secondaire). Nous savons aussi que la France décroche dans les classements internationaux, alors que l’Allemagne se redresse. Soixante mille enseignants de plus n’y changeront rien. C’est le modèle éducatif qui est touché. La réforme ratée des rythmes scolaires en a fait la démonstration. C’est une autre école qu’il faut bâtir, avec une autonomie accrue des établissements, une implication plus grande (et récompensée) des enseignants, une concentration des enseignements sur le socle fondamental, une responsabilisation plus forte des parents d’élèves, une meilleure inclusion du monde associatif (qui pourrait se charger du périscolaire) et une dépense pilotée au plus près du terrain (80% de la dépense scolaire est décentralisée en Allemagne contre 20% en France).

Mais pour réaliser de tels big-bang (car c’en sont de vrais), il faut enfin changer de méthode. Le pouvoir d’action réel de l’État s’est considérablement émoussé. C’est par l’entraînement, la confiance, l’accroissement des libertés et des responsabilités de chacun que le politique renouera avec les Français et pourra, à force de pédagogie, les faire adhérer à un projet collectif qui ne se borne pas à une extension sans fin et inefficace du domaine de l’État. Réformer l’État pour faire respirer le pays et lui redonner confiance : beau programme pour les trois ans qui viennent, non ?