Primaire 2016 · « Il manque un grand dessein »

Jean-Thomas Lesueur, délégué général de l’Institut Thomas More

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11 novembre 2016 • Entretien •


Économie, société, réforme de l’État : l’Institut Thomas More, qui a réalisé le Comparateur des programmes, présente dans Le Figaro Magazine les principales propositions des candidats à la primaire de la droite et du centre. Dans son interview, Jean-Thomas Lesueur, délégué général de l’Institut Thomas More, décrypte ce qui les rapproche et ce qui les sépare, en pointant l’insuffisance de pédagogie et d’ambition de leurs discours.


Les programmes des candidats à la primaire de la droite présentent un certain nombre de similitudes. Faut-il s’en étonner ?

Non. Même si la tension monte et que chacun cherche à marquer sa différence à l’approche de l’échéance, il s’agit quand même de candidats du même camp ! Ce qui les unit est sensé être plus important que ce qui les divise… Ce qui fait peu débat, ce sont les sujets économiques – comme le montrent les données réunies dans ces pages. Sur d’autres questions comme les 35 heures, l’ISF, l’allègement du code du travail, le tiers payant, etc., il y a unanimité, ou presque.

Malgré tout, des divergences subsistent. Quelles sont les plus importantes à vos yeux ?

Elles s’expriment un peu sur l’international mais surtout sur le social et le culturel – sur le « civilisationnel », en somme. C’est un point majeur à noter. Les représentants de la droite expriment des divergences, parfois fortes, sur des questions devenues centrales pour les Français – centrales parce qu’inquiétantes : le droit du sol, le degré d’intégration demandé aux immigrés, le port du voile, la transmission, le mariage homosexuel, certains points éducatifs. Ces questions sont désormais, pour beaucoup, plus engageantes pour l’avenir qu’un point de fiscalité de plus ou de moins. Or certains électeurs sentent qu’il y a du « jeu dans le manche », à droite, sur ces thèmes – et peinent donc à lui faire confiance.

Comment expliquez-vous ces différences ?

Il faut d’abord se souvenir que « la » droite n’existe pas. Sur la longue durée il y a toujours eu « des » droites, souvent alliées mais parfois concurrentes, voire hostiles. Or les sujets parmi les plus prégnants aujourd’hui – immigration, islam, famille, identité, mondialisation – tendent les relations entre ces courants. La synthèse entre libéraux et conservateurs, souverainistes et européens, étatistes et décentralisateurs, n’a jamais été simple à réaliser. Mais elle est devenu particulièrement difficile dans la période de « montée aux extrêmes » sociales, politiques, culturelles, internationales, que nous connaissons aujourd’hui.

La droite vous semble-t-elle plus libérale qu’auparavant ?

Les programmes le sont, oui. Il faut dire que nous ne sommes jamais allés si loin dans l’étatisme, l’excès de dépenses et la restriction des libertés concrètes ! Dans ces conditions, il est normal que les candidats de la droite promettent moins de dépenses, de fonctionnaires et d’impôts. Mais deux limites à cela. D’abord, celle de la crédibilité : ce que tous les candidats entendent sur le terrain, c’est « pourquoi vous ferait-on confiance, cette fois ? ». Mais surtout, il manque un grand dessein, un discours ambitieux et mobilisateur autour de la liberté et de l’autonomie des personnes – alors que, je le pense, nombre d’électeurs l’attendent.

Justement, les candidats avancent-ils des propositions suffisamment ambitieuses comptes tenu de l’état de la France et de l’urgence de vraies réformes ?

Les propositions ne manquent pas. C’est le dessein et la vision, encore une fois, qui font défaut. C’est bien d’être pour plus d’autonomie à l’école mais il faut savoir expliquer que c’est pour redonner de la liberté aux acteurs et des responsabilités aux parents, qui sont les premiers éducateurs. Il est bon de vouloir réformer l’État, mais pourquoi ? Pour concentrer son action sur ses tâches essentielles et donner plus de part aux autres acteurs (collectivités, secteur privé, associations, citoyens). Même chose encore pour l’intégration : à quelle France demande-t-on aux nouveaux venus de s’intégrer ? Les candidats ne savent pas dire quelle est leur France et pourquoi ils veulent la faire partager.


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