Présidentielle 2017 · « Un vrai choix de société »

Jean-Thomas Lesueur, délégué général de l’Institut Thomas More

 

24 mars 2017 • Entretien •


Dans l’interview qui accompagne le dossier du Figaro Magazine sur les programmes des principaux candidats, réalisé par l’Institut Thomas More, Jean-Thomas Lesueur, son délégué général, estime que le temps est venu, pour les candidats, d’exprimer leur vision de l’avenir de la France.


Les programmes des différents candidats vous semblent-ils à la hauteur des enjeux de cette élection présidentielle ?

Disons, au moins, que les programmes expriment des options franchement différentes. Il y a des candidats nettement de gauche, des candidats vraiment à droite – cela me paraît assez sain. Si les dernières semaines de la campagne permettent enfin une vraie confrontation des programmes, on verra les différences et les oppositions de fond. Y compris, quoiqu’en disent Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, entre Emmanuel Macron et François Fillon. Leur France n’est pas la même.

Comment situez-vous le programme d’Emmanuel Macron : à droite ou à gauche ?

Il le dit lui-même, il est « progressiste ». Il revendique sa filiation avec la deuxième gauche des années soixante-dix. Dans les faits, ses propositions sont globalement dans la ligne du quinquennat finissant. Et ses propositions économiques, à caractère libéral, ne suffisent pas à le placer à droite, même un peu ! Il faut arrêter de confondre le libéralisme et la droite. Son rapport à la nation, à l’identité, à la culture, à la famille, à la transmission ne sont assurément pas de droite.

Et que pensez-vous de celui de François Fillon ?

Il me semble globalement plus solide, plus réaliste : c’est assez net sur les finances publiques, la fiscalité des entreprises, la lutte contre le terrorisme ou l’autonomie scolaire, pour parler de sujets très divers. On voit assez lisiblement quel est son projet. Ce qui lui manque, c’est une part d’émotion et un cadre symbolique. Il s’adresse à la raison mais ça ne suffit pas, surtout en une période où notre pays doute tant de lui et de son avenir – je ne m’explique pas, à ce titre, que la droite déserte à ce point le champ culturel…

Deux France semblent s’affronter : l’une réformiste, l’autre tentée par l’immobilisme. Comment expliquer un tel clivage ?

Je vous répondrais que c’est le candidat « en marche » qui, paradoxalement, me paraît le plus incarner l’immobilisme. Le « bougisme » formel d’Emmanuel Macron masque mal, me semble-t-il, la continuation du quinquennat de François Hollande dans laquelle s’inscrit son programme. Âge de la retraite, 35 heures, impôt sur le revenu, allocations familiales : il propose le statu quo ou des évolutions à la marge. Et il ne dit rien sur l’immigration, ce qui est tout de même étrange, compte tenu de l’importance du sujet aux yeux des Français.

Quels vont être les thèmes structurants de la campagne ?

Il faut d’abord souhaiter qu’il y en ait ! L’élection présidentielle est censée être la « grande explication » que la France a avec elle-même tous les cinq ans, et il est temps que les candidats présentent aux Français leur vision pour le pays. Je vois trois thèmes majeurs qui devront être traités. Un premier évidemment économique et social, autour des questions de la croissance, de l’emploi, des entreprises et de la réforme de l’Etat qui pèse tant sur l’économie.

Un deuxième est celui de la sécurité, la sécurité du quotidien, du bout de la rue, du métro et des trains de banlieue – le traitement de la menace terroriste, qui a réintroduit dans le débat politique et dans la vie des Français les questions de la guerre, de la vie, de la mort et la défense de ce que nous sommes.

Cela conduit au troisième thème qui est celui de l’identité, avec les défis de l’immigration, de la culture commune et de la paix civile. Cela pose la question de la politique migratoire bien sûr mais aussi celles de l’intégration, de l’école, de la maîtrise du français et d’une politique culturelle qui célèbre plutôt qu’elle ne culpabilise.

Les Français ont-ils conscience qu’ils sont confrontés à un vrai choix de société, lourd de conséquences pour les générations futures ?

Je crois que oui. Les gens, les vrais, sont souvent plus lucides que les responsables politiques. Le chômage, la file d’attente aux urgences, l’école qui n’instruit plus, l’insécurité, grande et petite : les gens la vivent. S’ils n’ont pas forcément une vue d’ensemble des problèmes, ils devinent que nous sommes au bout d’un cycle et qu’il va falloir profondément refonder le modèle français. C’est aux candidats à l’élection présidentielle de montrer la direction.