Immigration · La grande faillite de l’Europe

Jean-Thomas Lesueur, délégué général de l’Institut Thomas More

23 juin 2017 • Entretien •


La mort d’un homme causée par un barrage de migrants en début de semaine a remis la question migratoire au cœur de l’actualité. En parallèle de cet événement, Anne Hidalgo a appelé le gouvernement à l’aide, car elle n’arrive plus à faire face à ce problème à Paris. Où en sommes-nous vraiment en France et en Europe ? Les flux migratoires sont-ils devenus ingérables ?

L’Organisation Internationale pour les Migrations a enregistrés 81 292 arrivées et décès en Méditerranée pour le premier semestre 2017, contre 215 702 pour la même période en 2016. La porte grecque est globalement refermée, avec un peu plus de 8 000 arrivées contre 158 000 l’an passé (essentiellement grâce à l’accord avec la Turquie, que cela nous plaise ou non). L’Italie est toujours sous pression (69 000 contre 56 000) et certains s’inquiètent de ce qui se passe aux frontières espagnols, même si les chiffres restent proportionnellement bas (un peu plus de 3 000).

On peut donc certes considérer que les flux migratoires à l’échelle européenne sont moins « ingérables » qu’ils ne l’étaient en 2016 et surtout en 2015. Mais le problème est qu’ils ne sont toujours pas sérieusement gérés…

C’est vrai à l’échelle européenne où la pression reste forte et les initiatives prises jusque-là, louables si l’on veut, mais insuffisantes. L’Europe doit faire de la garde de ses frontières extérieures une véritable politique structurée et coordonnée avec les États membres (et non contre eux) dans une logique de double ligne de défense. C’est vrai aussi à l’échelle française où les passes d’armes entre le maire de Paris et le ministre de l’Intérieur montrent qu’on n’a toujours pas de solutions.

A quoi peut-on s’attendre durant l’été qui commence ? Une accalmie, ou au contraire une nouvelle augmentation des arrivées sur le territoire ?

Je l’ai dit, les chiffres d’arrivée sur les côtes méditerranéennes sont en baisse mais restent importantes. Les flux semblent à peu près sous contrôle en Méditerranée de l’est mais la pression se déporte sur la Libye, donc l’Italie. Flavio Di Giacomo, porte-parole de l’Organisation Internationale pour les Migrations à Rome, a indiqué que plus 4 800 migrants ont été secourus au large des côtes nord-africaines le week-end dernier… C’est dire que l’accalmie ne semble pas à prévoir, hélas.

Peut-on s’attendre à une réponse à la hauteur du problème de la part du nouveau gouvernement ? La question migratoire est-elle suffisamment prise au sérieux en France aujourd’hui ?

Il est un peu tôt pour en juger et je ne vais pas faire de procès d’intention. Mais il est vrai que la réponse de Gérard Collomb à Anne Hidalgo ressemble un peu à un vœu pieux. Et il est encore plus vrai que le programme d’Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle ne laissait pas entendre qu’il en faisait un sujet prioritaire.

C’est à une refondation du droit d’asile qu’il conviendrait pourtant de travailler, dans deux directions. D’abord, un durcissement des conditions d’accès – on a vu en 2015 que la fuite d’authentiques réfugiés a créé un appel d’air dans lequel se sont engouffrés des centaines de milliers de personnes qui, pour n’avoir sans doute pas une vie facile chez eux, n’étaient pas pour autant des réfugiés. Ensuite, une accélération des procédures de traitement des dossiers d’une part et une bien plus grande exécution des procédures d’expulsion en cas d’OQTF (Obligations de quitter le territoire français), d’autre part.

Ces mesures seraient à mettre en œuvre en même temps que la politique de surveillance des frontières extérieures européennes, comme je l’ai indiqué.