Nucléaire · L’irresponsabilité de Nicolas Hulot

Jean-Pierre Schaeken Willemaers, président du Pôle énergie, climat, environnement de l’Institut Thomas More, auteur de L’utopie du tout renouvelable (ed. Académie royale de Belgique, 2017)

15 juillet 2017 • Opinion •


La déclaration faite lundi par Nicolas Hulot sur la sortie partielle du nucléaire pour ramener sa part dans le mix électrique français à 50%, relève essentiellement de l’effet d’annonce. En effet, elle n’est que la reprise d’une initiative de la présidence de François Hollande et paraît, d’ailleurs, tout aussi imprécise et improvisée. Le ministre de la transition écologique a en effet pris la précaution de rester vague sur les réacteurs concernés et leur nombre (« jusqu’à 17 »…) ainsi que sur le calendrier de fermeture. Ce n’est pas un programme, plutôt une déclaration faite au conditionnel destinée à faire le buzz. Elle lui permettra d’intégrer, en temps voulu et sans avoir à se dédire, les exigences de la réalité pour autant que d’ici-là, il soit encore en fonction.

Voilà pour la surface des choses. Mais, sur le fond, une telle déclaration est irresponsable car elle habitue les Français à l’idée d’une sortie « facile » du nucléaire, alors que celle-ci n’est pertinente ni d’un point de vue politique, ni d’un point de vue économique.

Politiquement, il s’agit avant tout d’un slogan cher aux écologistes, fondé sur une idéologie de sortie du nucléaire, quelles qu’en soient les conséquences. Or il est amusant de relever que, selon le dernier Eurobaromètre, le climat constitue une priorité pour 7% des citoyens européens seulement et figure au neuvième rang de leurs préoccupations (loin dernière l’immigration, le terrorisme et l’emploi). Autrement dit, l’abomination du nucléaire n’est apparemment pas partagée par une majorité de citoyens. Les Verts ont quasiment disparu de la scène politique française mais trouvent en quelque sorte en Nicolas Hulot leur apothéose…

Autre point qui prouve l’approche doctrinaire de ce dossier : le remplacement du nucléaire par du renouvelable ne peut être revendiqué au nom d’une quelconque politique « en faveur du climat » (qui serait contre, au passage ?!) puisque la génération d’électricité d’origine nucléaire n’émet pas plus de gaz à effet de serre (GES), sur un cycle complet de vie, que l’éolien terrestre ou le photovoltaïque et moins que l’éolien en mer.

Economiquement, le raisonnement ne tient pas davantage à l’analyse. Arrêter un tiers des réacteurs nucléaires sur une courte période soulève la question de la capacité de la production électrique de substitution d’assurer, à bas coût, la sécurité d’approvisionnement et donc l’adéquation de l’offre à la demande. Les centrales nucléaires amorties produisent une électricité bon marché et de manière continue, les interruptions n’étant dues qu’aux entretiens et réparations éventuelles, contrairement à l’électricité renouvelable intermittente qui constituerait l’essentiel du renouvelable : la disponibilité d’une capacité supplémentaire d’hydraulique est limitée et nettement plus longue à mettre en place.

Sans le tiers des réacteurs nucléaires, l’équilibre du système électrique ne peut être assuré qu’en augmentant considérablement la pénétration de l’éolien et du photovoltaïque, source intermittente d’électricité requérant de lourds investissements dans le renforcement et la numérisation des réseaux électriques, le stockage de l’électricité et la gestion compliquée de la demande et, en particulier, une réduction de 20% de la consommation. Ce dernier objectif est illusoire malgré l’amélioration de l’efficacité énergétique, vue la numérisation irréversible et galopante de l’économie, extrêmement énergivore et la pénétration des véhicules électriques pour autant qu’elle se concrétise.

Une sortie significative du nucléaire entraînerait donc une augmentation importante de la facture d’électricité préjudiciable à la rentabilité des entreprises et aux exportations ainsi qu’au pouvoir d’achat des ménages et, probablement, l’exploitation de centrales au gaz pour l’équilibre du réseau électrique.

En outre, si après l’arrêt programmé des réacteurs nucléaires, il s’avérait que la production renouvelable ne suffisait pas à satisfaire la consommation, ce à quoi il faut s’attendre, un dernier recours serait l’importation d’électricité. Or, les pays voisins de la France ne sont pas en mesure de satisfaire sa demande, toute leur production étant nécessaire pour répondre à leurs propres besoins (en raison précisément de… leur politique climatique), à l’exception de l’Allemagne grâce à son parc de centrales au charbon et au lignite (les deux sources les plus émettrices de GES) qu’elle a, d’ailleurs, étendu par de nouvelles constructions. Outre le fait que, dans ce cas de figure, cette dernière serait maîtresse du jeu et qu’elle imposerait le prix élevé qu’elle souhaite, ne serait-il pas incohérent, pour un gouvernement qui se veut green-friendly, d’importer de l’électricité « sale » ?

Il serait de loin moins coûteux et plus responsable de continuer à exploiter la plupart des réacteurs en prolongeant leur durée de vie de dix ou de vingt ans, moyennant les mises à niveau requises par l’Autorité de sûreté nucléaire. Bien entendu, ceci exigerait une clarification de la politique électrique. De tels investissements sont, en effet, exclus sans un cadre législatif permettant une rentabilité suffisante.