Juin 2019 • Note 34 •
Emmanuel Macron s’y était dit plusieurs fois favorable pendant la campagne présidentielle, le Comité consultatif national d’éthique (CCNR) a rendu deux avis favorables, la Secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa l’attend avec impatience et le Premier ministre Edouard Philippe l’a annoncée : la « PMA pour toutes » sera instaurée à l’occasion de la révision des lois de bioéthique prévue pour les prochains mois.
La PMA exprime une revendication d’adulte
L’autorisation par la loi de l’extension de la Procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes les femmes, quelles que soient les réalités et les circonstances de leur vie sexuelle, exprime une revendication d’adulte qui ne prend pas en compte les deux liens essentiels à la croissance de l’enfant pour devenir lui-même un adulte : le lien entre conjugalité et filiation, d’une part, le lien entre enfantement (ou potentialité de l’enfantement dans les cas d’adoption) et éducation, d’autre part. Si cette revendication était retenue par la loi, cette omission empêcherait l’intelligibilité de la filiation car elle supprimerait l’unité des deux référents, père et mère, et consacrerait institutionnellement le déni d’un des deux parents, le père, sans se préoccuper des besoins de l’enfant pour grandir.
Alors que les éducateurs, les pédopsychiatres et les psychologues se soucient, à juste titre, du bien-être de l’enfant dans sa vie quotidienne (alimentation, bien-être, activité sportive, sécurité, etc.), est-il concevable que la loi ignore les besoins plus fondamentaux de l’enfant pour construire sa vie d’adulte, c’est-à-dire le « droit de l’enfant à connaître et à être élevé par ses parents dans la mesure du possible », consacré par la Convention européenne des droits de l’enfant ?
Ce que remet en cause la « PMA pour toutes », c’est la filiation
L’établissement de la filiation est si essentiel que dès la naissance, deux adultes sont désignés légalement comme ses parents. Seuls, ces deux adultes pourront exercer l’autorité parentale sur leur enfant, c’est-à-dire, en seront responsables : « L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne ». La filiation ne peut être fondée sur la seule volonté ou l’intention d’un adulte, notion subjective que le droit ne connaît pas.
Derrière le risque de déstabilisation du droit, c’est le risque d’un ébranlement anthropologique de grande ampleur qui se profile
La philosophe Sylviane Agacinski l’écrivait il y a plus de dix ans : « Si l’ordre humain, social et symbolique, donne aux individus une filiation double, mâle et femelle, ce n’est pas en raison des sentiments qui peuvent lier les parents entre eux, c’est en raison de la condition sexuée de l’existence humaine et de l’hétérogénéité de toute génération dont la culture a voulu garder le modèle. Il s’agit donc de savoir si l’institution de la filiation doit continuer à inscrire chacun dans l’ordre d’une humanité elle-même sexuée, ou bien si l’on veut briser ce modèle dans lequel s’articule la génération : la différence des sexes et la différence des générations ».
La juriste Laurence Brunet, favorable à ces évolutions, va même plus loin en affirmant clairement que les questions liées à la « PMA pour toutes » constituent une « révolution anthropologique ». C’est en effet l’enjeu auquel nous avons à faire face. Et c’est l’enfant, ce sont nos enfants, qui sont l’objet de cet enjeu. Autant dire que c’est l’avenir. Or, le voilà pris en otage de toutes les revendications d’adultes que notre époque cherche avidement à contenter. N’est-ce pas au nom de « l’intérêt de l’enfant » que le mariage des personnes de même sexe a été approuvé en 2013 ?
Répondre aux besoins de l’enfant pour l’aider à devenir adulte
Ainsi, chacun s’accorde à respecter l’intérêt supérieur de l’enfant. Mais que signifie l’intérêt de l’enfant quand une loi balaye le droit le plus élémentaire d’avoir un père et une mère ? Faudrait-il comprendre que l’intérêt de l’enfant n’est plus qu’un slogan ou une référence vide de sens ? Nous voulons le meilleur pour nos enfants, c’est-à-dire leur donner accès aux besoins fondamentaux qui ne peuvent se réduire à des considérations matérielles. Respecter l’intérêt de l’enfant, c’est répondre à ses besoins pour grandir et construire son identité.
Téléchargez la note
Les auteurs
Elizabeth Montfort est ancien député européen et présidente du pôle Famille et Société de l’Institut Thomas More. Michèle Fontanon-Missenard est pédopsychiatre et psychanalyste. Christian Flavigny est pédopsychiatre et psychanalyste à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris). Chantal Delsol, de l’Institut, est philosophe et membre du Conseil d’orientation de l’Institut Thomas More. Ils sont membres du groupe de travail Famille de l’Institut Thomas More et coauteurs de L’enfant oublié. Propositions pour la famille de demain (éditions du Cerf, 0216) • |