Octobre 2007 • Rapport 4 •
Solide, c’est ainsi qu’est apparu le régime turkmène à l’issue de la transition du pouvoir à laquelle il a dû faire face après la mort de Saparmourad Niazov, le 21 décembre 2006. Le dictateur, décédé d’un arrêt cardiaque à l’âge de 66 ans, régnait depuis 1985 d’une main de fer sur l’ancienne république soviétique d’Asie centrale. Depuis plus d’une décennie, il avait procédé à de grandes purges, détruisant autour de lui tout embryon d’opposition à son pouvoir devenu autocratique. Le régime semblait tout entier reposer sur sa seule personne, autour de laquelle il avait instauré un culte démentiel. Mais malgré la disparition de celui qui se faisait appeler Turkmenbachi, Le père de tous les Turkmènes, le pays n’a pas sombré dans le chaos.
A tout moment, le régime est resté maître de la situation. Il est possible que le président Niazov ait transmis le pouvoir à celui qui au matin du décès, intervenu à 1h10 de la nuit le 21 décembre 2006 si on en croit la version officielle, annonçait à la télévision la disparition de Turkmenbachi le Grand et s’apprêtait à présider le comité d’organisation des funérailles, qui ont eu lieu trois jours plus tard. Que le pouvoir ait été transmis à Gourbangouly Berdymoukhamedov ou que celui-ci s’en soit emparé, les soviétologues et kremlinologues ont immédiatement compris qu’il serait le futur Président de la République du Turkménistan. Un homme du sérail s’asseyait dans le fauteuil de Turkmenbachi. Le régime n’était pas mort.
Cette solidité du régime turkmène amène à penser que son évolution relève aussi de ses élites. Certes, les cinq millions de Turkmènes ne sont pas associés à la gestion politique du pays ; l’opposition, ou ceux qui prétendent l’incarner, ne sont pas en mesure de représenter une alternative politique ; le pouvoir tout entier réside dans les mains du nouveau président Gourbangouly Berdymoukhamedov, investi chef de l’Etat le 14 février 2007. Mais le Président s’est entouré d’hommes de confiance et laisse certaines marges de manœuvres, au moins exécutives, à des technocrates.
Cette étude se propose de sonder le fonctionnement du nouveau pouvoir au Turkménistan. Si celui-ci reprend à son compte bien des « instruments » politiques du Turkmenbachi, laissant peu espérer une orientation démocratique, le président Berdymoukhamedov semble résolu à ouvrir davantage son pays. Qu’il s’agisse de remettre le système éducatif national davantage en conformité avec ceux reconnus internationalement ou de rétablir des relations diplomatiques ou économiques avec le reste du monde, la Communauté des Etats indépendants (CEI) ou l’Occident, l’espace de collaboration avec le Turkménistan s’élargit, d’autant que les besoins du pays sont considérables. Il manque cruellement de personnes qualifiées, des gestionnaires autant que d’ingénieurs et de techniciens, alors que l’Etat souhaite s’engager vers la rationalisation de son économie et l’exploitation plus effective de ses richesses naturelles.
Le Turkménistan doit pouvoir être capable cependant d’accepter ou même d‘initier les réformes nécessaires à son développement économique et politique, sur des bases différentes, plus harmonieuses et saines. Le rôle des élites, ici, s’avère capital, et en particulier, celui des futurs responsables administratifs, entrepreneurs économiques et ingénieurs, acteurs à venir qui seront en charge du suivi et de l’exécution des changements. La jeunesse turkmène, en cela, présente un intérêt stratégique.
Quels seront les prochains « managers » et « techniciens » du Turkménistan ? Comment cette jeunesse perçoit-elle le pouvoir nouveau en construction ? Que peut-elle apporter au pays ? La priorité n’est pas d’emblée à un examen politique de la relève au Turkménistan. Il n’est pas question ici de rechercher des formes d’alternatives, plus démocratiques, au pouvoir actuel. Il semble bien plus pertinent et conforme à la réalité sociopolitique turkmène de s’interroger sur l’efficacité du pays et les moyens de l’améliorer. Après une analyse approfondie des mécanismes politiques qui semblent fonder la nouvelle pratique du pouvoir au Turkménistan, il sera fait état des attentes et opinions d’une certaine jeunesse turkmène éduquée, issue d’une classe moyenne émergente, qui constitue l’un des viviers les plus prometteurs du développement turkmène et qui rend compte des espoirs d’une génération.