La Russie, une puissance post-impériale · Le conflit géorgien vu de Moscou

Laurent Vinatier, chercheur associé à l’Institut Thomas More

Septembre 2008 • Tribune 20 •


Avec cette nouvelle Tribune, l’Institut Thomas More approfondit son travail d’analyse et de décryptage engagé depuis un an des nouvelles réalités russes et de leurs conséquences sur les relations entre l’Europe et Moscou. Le conflit en Géorgie est aujourd’hui l’occasion, brutale et inattendue pour beaucoup, de prendre la mesure de la détermination russe à peser sur la scène internationale de tout son poids de puissance retrouvée et décomplexée. Après l’analyse de ce phénomène vu du point de vue européen et occidental avec la récente publication de la Tribune de Jean-Sylvestre Mongrenier Lignes de front géorgiennes : l’Occident mis au défi, la présente note de Laurent Vinatier cherche à livrer une grille de lecture opérationnelle de la position russe. Sans complaisance, l’auteur examine les motivations et les discours des dirigeants russes et propose des réponses à cette question, posée trivialement : qu’avaient-ils dans la tête lors du déclenchement du conflit au matin du 8 août 2008 ? Pour l’auteur, la Russie n’agit pas en puissance impériale expansionniste et conquérante. Les maîtres mots de sa politique extérieure sont, depuis Poutine, « protection » et « équilibre ». En cherchant à « protéger » ce qu’elle juge ses intérêts vitaux, la Russie, moins assurée qu’on le croit souvent, cherche à maintenir un « équilibre » des forces qu’elle croit favorable. La Russie n’agit pas, elle réagit. Et elle réagit en premier lieu aux avancées américaines dans ses zones d’influence historiques : en calquant son comportement et son argumentaire sur ceux des Etats-Unis depuis 2003, elle vise, non sans quelques succès au moins partiels, à désarmer les critiques occidentales. Mais au-delà du conflit géorgien, c’est l’avenir de la relation entre Russes et Occidentaux, au premier rang desquels les Européens, qui est en jeux. La démonstration de force russe de cet été prouve que l’Union européenne est plongée, qu’elle le veuille ou non, dans un jeu de puissances qui est loin d’être achevé.