Décembre 2008 • Analysis •
« Relations énergétiques : comment rebâtir la confiance ? Bilan du sommet de Nice » : tel était le thème du colloque organisé par l’Institut Thomas More à l’Assemblée nationale fin novembre. Compte-rendu.
Ces derniers mois, entre négociations difficiles du nouvel Accord de partenariat, désaccords sur les questions énergétiques et durcissements sur plusieurs dossiers internationaux, les relations entre l’Union européenne (UE) et la Russie se sont tendues. A l’automne 2008, il y a eu cette impression, répandue parmi les Etats membres de l’Union, qu’il serait imprudent de faire totalement confiance à la Russie dans le cadre d’un partenariat relancé et consolidé. Malgré ces difficultés, que d’aucun parmi les Etats membres européens jugent fondées, il ne paraît à personne souhaitable ou possible de ne pas discuter et de ne pas coopérer avec la Russie. C’est au contraire l’absence de contacts qui poserait problème. Comment ne pas s’entendre avec Moscou ? En somme, Europe et Russie sont condamnées à réussir. Il semble qu’à nouveau les deux « partenaires » s’y emploient.
Les ministres des Affaires étrangères européens d’abord, réunis à Bruxelles le 10 novembre, en préparation du sommet bilatéral du 14, acceptent ainsi le principe de la reprise des négociations sur l’Accord de Partenariat et de Coopération. Celles-ci avaient été suspendues lors du sommet européen extraordinaire, le 1er septembre, en réaction à l’intervention armée russe en Géorgie. La Russie de son côté, deux jours après, le 12 novembre, en signe de bonne volonté, fait savoir, par la voix du géant du gaz Gazprom que les prix de livraison baisseront dès le début de l’année 2009. La réponse russe donne d’emblée le ton et l’orientation des prochaines négociations. Il semble évident que les questions énergétiques, certes complexes mais déterminées dans le même temps par une grande interdépendance, seront au cœur de la relation de confiance à rebâtir. C’est en ce domaine, à n’en pas douter, que sont les véritables enjeux de la coopération. Le secteur nucléaire civil, en particulier, offre en cela des opportunités intéressantes d’avancées possibles, qu’il serait bon sans doute de valoriser de manière à faciliter par la suite les négociations sur le pétrole et le gaz.
Européens et Russes en effet semblent vouloir s’engager plus fortement sur le nucléaire. Andris Piebalgs, Commissaire européen en charge des questions énergétiques, l’a dit récemment : « L’énergie nucléaire représente un élément important de notre lutte contre le changement climatique et de notre sécurité d’approvisionnement en énergie ». A la Commission comme au Conseil, les Européens prennent conscience que les exigences énergétiques et environnementales rendent incontournable le recours au nucléaire : près de 10 réacteurs sont en cours de construction dans l’UE.
De leur côté, les Russes font la même analyse. Alexei Gregoriev, dirigeant de Tenex, l’entreprise clé de l’uranium russe, intervenant à Paris fin novembre au cours d’une rencontre organisée par l’Institut Thomas More, affirmait clairement qu’ »à l’horizon de 2025/2030 le nucléaire devra représenter 30% de l’énergie utilisée en Russie ».
Les conditions sont ainsi réunies pour pouvoir envisager des partenariats d’intérêts mutuels. Les Russes le demandent. Sergueï Kirienko par exemple, directeur général de Rosatom, ne cesse d’indiquer dans la presse internationale que les investisseurs privés pourront entrer jusqu’à 49% du capital des projets nucléaires civils et participer aux filiales des entreprises russes du secteur. Alexei Gregoriev l’a rappelé à Paris : « il faudra s’unir pour faire face aux besoins grandissants. Nous avons besoin de nouveaux partenariats ».
Aux uns et aux autres maintenant de faire des efforts. Les Européens devraient d’abord respecter les règles d’égalité et d’homogénéisation des pratiques qu’ils entendent imposer aux autres. Il serait ainsi bienvenu que Bruxelles abroge enfin la déclaration de Corfou qui limite à 20% les livraisons russes de matières fissiles – un quota totalement inadapté puisque le volume déjà importé pour couvrir les besoins des centrales européennes, varie de 30 à 45%. Les Russes, quant à eux, doivent à présent concrétiser leurs déclarations. L’ouverture du centre international d’enrichissement d’uranium à Angarsk comme l’appel à participation au projet de centrale nucléaire à Kaliningrad, peuvent être interprétés comme des signes dans la bonne direction, alors qu’ont redémarré le 2 décembre à Bruxelles les négociations sur l’Accord de partenariat.