26 janvier 2009 • Opinion •
On voulait croire les plaies du Parti socialiste pansées, les troupes remises en ordre de bataille et la direction prête à faire sérieusement son travail d’opposition. On s’en réjouissait même : la politique a besoin de débat et la « guerre civile », dont la France est si friande, vaut mieux dans l’hémicycle que dans la rue, l’usine ou le lycée.
Le coup d’éclat de mardi dernier des députés socialistes, pour dérisoire qu’il ait pu paraître à certains, n’est à ce titre pas un épisode scandaleux ni inacceptable. Autrement plus sérieuse aurait dû être l’annonce du contre-plan de relance concocté par le PS rénové et son Premier secrétaire fraîchement élu, Martine Aubry. Cela aurait pu être un moment politique important. Las, à l’écoute des analyses développées et des mesures préconisées, on se demandait si la relance de l’économie française constituait bien l’objectif de… ce plan de relance. Rien – ou si peu – n’a changé au PS : pas de mesures novatrices dans ces annonces, le retour à quelques vieilles lunes de 1981 – pâlies dès 1983 – et le détricotage, trop systématique pour être honnête, de ce qui a été entreprise par la majorité depuis deux ans.
La proposition de suppression du paquet fiscal voté à l’été 2007 paraît symptomatique de cette maladie chronique et radoteuse dont souffre le PS, qui fait perdre cohérence et pertinence à son discours. Car enfin, si une telle mesure était appliquée, n’irait-elle pas à l’encontre du projet socialiste de relance par la consommation ? Et, par son effet désincitatif, ne risquerait-elle pas d’induire une baisse de l’assiette fiscale et donc de ne pas générer la hausse des recettes requise pour financer un plan de 50 milliards d’euros ?… De plus, au-delà de la question de son efficacité en tant que source de financement, la suppression du paquet fiscal semble pour le moins peu adaptée à la lutte contre la crise.
Est-ce bien le moment, alors que les jeunes en sont parmi les premières victimes, d’annuler l’exonération d’impôt sur le revenu pour les salariés de moins de 25 ans ? Est-ce bien le moment, alors que les PME sont les premières à souffrir du rationnement du crédit bancaire, de supprimer les mesures qui favorisent, en les rendant déductibles de l’ISF, les investissements dans les PME ? Enfin, est ce bien le moment, alors que le secteur du logement souffre, d’annuler le crédit d’impôt sur les intérêts des nouveaux emprunts souscrits pour l’achat d’une résidence principale ?
Quant au gel des suppressions de postes dans la fonction publique, en réponse à la montée du chômage, il atteste d’une vision réellement anachronique des processus de création et de destruction d’emplois et des dynamiques du marché du travail. Et espérer relancer l’économie en « gelant » la situation actuelle relève de la gageure ! Geler les suppressions de postes de fonctionnaires, autrement dit faire perdurer parfois des sources d’inefficience, risquerait au contraire d’entraver le dynamisme de l’économie française à long terme. On peut obtenir une création nette d’emplois, même avec des suppressions de postes : il faut pour cela chercher à accroître l’activité globale et non seulement à gérer la pénurie – vieille et mauvaise habitude socialiste…
Le rejet systématique du plan gouvernemental amène aussi les socialistes à proposer un patchwork de mesures glanées chez nos voisins européens. Ce ne serait pas là une mauvaise méthode, bien au contraire même, si elle ne dévoilait de réelles incohérences ou si elle amenait à formuler des propositions vraiment conformes à la situation française. Ainsi de la proposition de baisser d’un point la TVA en vue de soulager le pouvoir d’achat des plus démunis – proposition inspirée du plan de mesure du Premier ministre britannique Gordon Brown.
C’est oublier que, lorsqu’elle prend la forme d’une baisse uniforme du taux et n’est pas centrée sur les produits de première nécessité, la baisse de la TVA, profite à tous, et plus particulièrement aux revenus les plus élevés qui dépensent le plus, et non aux plus pauvres : proposition fort peu socialiste. Sans parler du fait qu’il s’agit d’une mesure infiniment coûteuse (7 milliards d’euros) à l’efficacité bien incertaine. Autre exemple d’adaptation acrobatique : la hausse proposée du Smic de 3%, sur la foi cette fois du plan espagnol. Les situations ne sont pourtant pas les mêmes : le Smic français s’élève à un peu plus 1300 euros par mois, alors qu’il est de 600 euros par mois en Espagne. Même en tenant compte de la différence du coût de la vie entre les deux pays, qu’on ne dise pas que les situations sont comparables et méritent d’être traitées de la même façon… La hausse du Smic n’est pas le meilleur service à rendre à la compétitivité française, déjà mal en point. De fausses pistes en idées simples, le contre-plan de relance du Parti socialiste ne convainc donc guère et constitue un symptôme de plus de sa décomposition idéologique. Si la crise que nous traversons n’y suffit pas, on se demande ce qui pourra bien le pousser à faire enfin sa révolution intellectuelle…