Pour un engagement de l’Europe au Maghreb

Jean-Baptiste Buffet, chercheur associé à l’Institut Thomas More

15 avril 2010 • Analyse •


Avant le deuxième sommet de l’Union pour la Méditerranée, Jean-Baptiste Buffet rappelle qu’une partie de notre sécurité dépend de la stabilité et de la prospérité des pays du Sud.


Une part de l’avenir de l’Europe se joue au Maghreb. Quelques semaines avant le deuxième sommet de l’Union pour la Méditerranée (UpM), l’Europe est à un moment clé de ses relations riches et parfois tumultueuses avec sa rive sud. Trop longtemps tournée vers l’est, la politique de voisinage de l’Union en avait presque oublié « son » sud, alors que par sa position de pont, de nœud et de carrefour stratégique, par la richesse de son sous-sol et l’importance de son marché, le Maghreb doit enfin devenir l’affaire de l’Europe et occuper une place centrale dans sa politique extérieure. Car de sa stabilité et de sa prospérité dépend une partie essentielle de notre sécurité. Trois exigences cardinales méritent notre attention.

Des intérêts d’abord économiques, commerciaux et énergétiques. En tenant bien sûr compte des mutations en cours et des fragilités des cinq pays de la zone, l’UE doit d’abord s’efforcer de contribuer au développement économique du Maghreb dans son ensemble, en soutenant en particulier l’intégration régionale, cette longue marche stoppée depuis plus de quinze années. La création d’une zone de libre-échange, espace commun qui générerait des retombées positives pour les économies locales et une hausse substantielle des investissements européens, en serait une étape essentielle. Les domaines de coopération euromaghrébine ne manquent pas et ne demandent qu’à être renforcés : énergie, notamment solaire, développement durable, transports maritimes et terrestres, télécoms, etc. – des secteurs où l’Europe et le Maghreb sont souvent complémentaires. Souhaitons que le nouveau cadre institutionnel de l’UpM y soit également propice.

Des enjeux migratoires déterminants ensuite, car les risques créés par la pression démographique des pays maghrébins, mais aussi de plus en plus des pays d’Afrique subsaharienne, impacteront fortement les deux rives. Face à ces risques, l’Europe reste encore trop frileuse. Légitime en soi, une approche « défensive » et focalisée sur le contrôle aux frontières nord du Maghreb, ne peut suffire. Il convient d’intégrer dans la stratégie une dimension géographique élargie à l’ensemble de la zone sahélo-maghrébine : l’espace Schengen ne s’arrête pas à Tarifa mais commence aujourd’hui à Nouakchott.

Des défis politiques et sécuritaires enfin, car les risques de déstabilisation liés au terrorisme, au développement de la criminalité et aux conséquences du conflit du Sahara Occidental sont ressentis comme de réelles menaces aux portes de l’Europe. A cette fin, continuons à accompagner les réformes politiques qui restent trop timides, notamment sur les questions sensibles des droits de l’homme et des libertés civiles. Mais aussi, alors que le Sahel s’apparente de plus en plus à une zone grise et concentre des risques pour la sécurité tant des Maghrébins que des Européens, travaillons sans relâche à renforcer les coopérations existantes et agissons en amont sur les causes socio-économiques de l’insécurité avant tout. Enfin, dans l’intérêt de tous, le nœud du conflit du Sahara Occidental, source de tant de blocages et d’impasses, devra être dénoué : la proposition marocaine d’autonomie de 2007 doit être considérée comme un point de départ crédible pour la négociation.

Avancer sur ces trois fronts à la fois, c’est créer les conditions d’un partenariat renforcé entre les deux rives de la Méditerranée. Pour cela, la politique extérieure européenne doit nécessairement se « sudifier » et l’UpM peut se révéler un instrument utile à cette fin. Car l’Europe est attendue au Maghreb et dispose d’une force de proposition, d’une légitimité et d’un intérêt particulier à s’y investir. A l’avenir, c’est la sécurité durable du Maghreb qui en dépend, celle de l’Europe également.