7 novembre 2011 • Analyse •
La nature militaire du programme nucléaire iranien se précise et ce processus de prolifération menace l’espace euro-atlantique. Les systèmes antimissiles pourront intercepter quelques engins frustres mais ce bouclier ne saurait se substituer à l’épée nucléaire. La dissuasion globale repose sur l’atome guerrier, des défenses actives et la capacité à frapper avec précision en mode préventif. La voie de l’érémitisme ne pouvant être empruntée par une collectivité politique, les Européens doivent réaffirmer leur présence au monde.
Le 8 novembre 2011, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) publiera un nouveau rapport mettant en évidence la portée militaire du programme nucléaire iranien. Envers et contre les engagements internationaux liés au Traité de non-prolifération (TNP), Téhéran accumule des stocks grandissants d’uranium enrichi. En parallèle, le régime iranien met au point des missiles d’une portée de 2500 km, ce qui place le Sud-Est européen dans leur rayon d’action. Situé au contact de l’Iran, l’allié turc ne doit pas être omis dans l’analyse de la menace.
Outre le possible emploi de l’arme nucléaire à des fins de coercition, les Occidentaux anticipent la mise en œuvre d’une stratégie de «sanctuarisation agressive ». Protégé par l’arme nucléaire, l’Iran serait en mesure de conduire une politique plus offensive, depuis le golfe Arabo-Persique jusqu’à la Méditerranée orientale, menaçant le libre accès au Moyen-Orient et à ses ressources. Par contrecoup, il est à craindre que la nucléarisation de l’Iran n’entraîne une réaction en chaîne dans l’aire moyen-orientale, les autres puissances régionales se lançant à leur tour dans une course au nucléaire. Une certitude : ce processus augmenterait le risque de guerre atomique dans une aire géopolitique déchirée, et ce aux portes mêmes de l’Europe.
L’OTAN et ses Etats membres ont pris la juste mesure des évolutions stratégiques et lancé un programme de défense antimissile des territoires alliés (sommet de Lisbonne, 19-20 novembre 2011). Pour autant, il doit être précisé que les systèmes antimissiles sont conçus pour intercepter quelques dizaines d’engins peu évolués d’une portée inférieure à 3000 km, c’est-à-dire des armes du type de celles qui sont en possession d’une puissance frustre. Aussi la défense antimissile ne constitue-t-elle qu’une partie de la réponse à apporter au défi de la prolifération.
Outre les initiatives diplomatiques destinés à contenir les forces de déstabilisation, le rôle des outils militaires de contre-prolifération est crucial, qu’il s’agisse du renseignement ou de la capacité à mener des frappes conventionnelles préventives. Quant aux arsenaux nucléaires, ils demeurent indispensables pour faire face à un Etat ennemi d’une certaine envergure stratégique et géopolitique.
Par voie de conséquence, la défense antimissile ne saurait être pensée comme un substitut à l’atome guerrier. Un tel dispositif viendra plutôt compléter et renforcer une dissuasion globale fondée sur la force de frappe, des moyens d’interception et la capacité à projeter forces et puissance sur des théâtres extérieurs.
Plus généralement, la défense antimissile n’ouvrira pas un espace de fuite pour des nations européennes désireuses de se détourner du monde tel qu’il est, ce bouclier ne mettant pas fin à la « turbulence des contraires ». Bien au contraire, le nouvel âge met en mouvement des forces titanesques et les menaces se rapprochent du limes européen. Aussi la situation appelle-t-elle une plus forte présence sur les confins et dans le « lointain géographique» afin d’apporter des réponses aux désordres du monde.
A cet égard, la guerre en Libye a simultanément mis en évidence la proximité croissante des défis et le besoin de « nations combattantes ». Dans la perspective d’une anarchie chaotique sur le flanc sud de l’Europe, les défenses antimissiles auront pour fonction de protéger les forces expéditionnaires parties préempter la menace ; elles assureront que les populations européennes ne seront pas à la merci d’un quelconque acteur anomique.