Février 2012 • Rapport 9 •
Un an après le début du « printemps arabe », et alors que la situation en Libye est loin d’être stabilisée, la rive sud de la Méditerranée demeure instable et fragile. Pour l’Union européenne et les Européens, voisins et premiers partenaires économiques des États maghrébins, cette nouvelle donne impose de renouveler leur approche dans la région. Une situation inédite appelle un nouveau regard. Pour cela, une approche globale s’impose, qui tienne compte des quatre défis que les pays et les peuples du Maghreb ont à relever.
Le défi de la démocratisation. Si les révolutions ont rappelé les aspirations au changement politique de populations travaillées par des processus de modernisation sur le long terme, comme l’accès croissant à l’éducation, la mutation de la famille ou des comportements individuels, les résultats des élections ont brutalement refroidi nombre d’observateurs. Mais le principe de réalité doit s’imposer à tous, à commencer par les partenaires du Maghreb. Tout est œuvrant au renforcement du cadre et des pratiques démocratiques, il convient de ne pas diaboliser les nouvelles équipes au pouvoir, de travailler avec elle et de les juger sur leurs seuls actes.
Le défi économique et social. Sans modernisation économique et sociale, sans attention aux attentes concrètes de la jeunesse, les réformes politiques ne sauront toutefois suffire à produire des perspectives d’avenir et d’espoir. La question de l’emploi doit être au cœur des préoccupations des dirigeants. L’incitation à la poursuite d’une ouverture politique doit en cela s’accompagner dans les pays maghrébins d’une remise à plat des modèles de développement et des systèmes de formation avec, en parallèle, un renforcement de la lutte contre une corruption délétère. L’enjeu est d’autant plus important que le « printemps arabe » a fragilisé, à des degrés divers, les économies de la région et que son impact se fera encore sentir dans les années à venir.
Le défi de la sécurité. Malgré l’agitation de groupes radicaux, notamment salafistes en Tunisie, Al Qaïda et les mouvements terroristes qui ont cherché à s’appuyer sur la contestation n’ont, jusque là, pas rencontré de grands succès au Maghreb. Cependant, un autre danger réside pour les pays maghrébins dans la hausse considérable de l’insécurité dans la bande sahélo-saharienne, sous le double effet de l’enracinement des groupes terroristes et des répercussions de la guerre en Libye, avec en toile de fond les difficultés à mettre en place une véritable coopération régionale.
Le défi de la coopération. Dans la recherche de sécurisation économique et sociale qui doit être une priorité des gouvernements de la région, et sur fond de crise forte en Europe, l’un des principaux chantiers reste celui de la coopération intra-maghrébine. Malgré quelques timides avancées, le « non-Maghreb » est en effet encore une réalité, avec notamment la persistance de la fermeture de la frontière entre l’Algérie et le Maroc. À cet égard, le « printemps arabe » devrait constituer une opportunité dans la prise de conscience de la nécessité d’une intégration régionale. Cependant, toute amélioration risque de se heurter au non-règlement du conflit du Sahara occidental malgré la proposition d’autonomie présentée par le Maroc en 2007, solution la plus réaliste. En tout cas, les Européens ont tout à gagner à appuyer les initiatives allant dans le sens de plus grandes synergies.
Au final, un engagement réussi de l’Europe au Maghreb implique toutefois une capacité des acteurs européens à s’approprier la nouvelle politique de voisinage et à construire un vrai projet géopolitique euro-méditerranéen et euro-arabe, avec des perspectives, des objectifs et une volonté politique claire. La cacophonie parfois constatée est contre-productive. À l’inverse, la création du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) peut constituer une raison d’espérer. Mais cela risque de prendre du temps. Un temps qui, pour beaucoup, manque aux États maghrébins.