Avril 2012 • Tribune 34 •
Au cours de la décennie passée, une vision désidéologisée et mercantile de la Russie et des politiques menées par ses dirigeants tendait à prévaloir. Dans le domaine de l’énergie comme dans celui des rapports entre la Russie et ses partenaires, la fin suprême était supposée être le prix maximal et l’enrichissement des « capitalistes bureaucrates » qui dirigent et possèdent le pays. Pourtant, les différentes crises qui ont opposé le pouvoir russe à ses voisins d’Europe centrale et orientale ont révélé des logiques de puissance irréductibles à de seuls intérêts économiques. La rhétorique de la Derjava, c’est-à-dire de la puissance étatique et militaire, est revenue en force. La rente énergétique est un outil de puissance, le but étant de rétablir les positions de la Russie dans l’aire post-soviétique, considérée comme un « étranger proche », voire au-delà, dans l’« étranger lointain ». L’Union européenne et ses États membres ne sauraient ignorer cette volonté de puissance. Pourtant, la mise en place d’un corridor énergétique vers le Bassin de la Caspienne, l’extraction d’hydrocarbures non-conventionnels et le développement d’un marché mondial du gaz ouvriront d’autres perspectives pour l’Europe, celle-ci ne pouvant se détourner du « grand large ».
Cette Tribune reprend et enrichie le texte d’une conférence donnée à l’Université catholique de Louvain, le 27 mars 2012, à Louvain-la-Neuve (Belgique).