Faut-il continuer à promouvoir les permis de polluer en Europe ?

Jean-Pierre Schaeken Willemaers, président du Pôle Energie, Climat, Environnement de Institut Thomas More

8 février 2013 • Opinion •


Ce système connu sous l’acronyme « EU ETS » (European Union Emission Trading System) est une bourse d’échanges de quotas d’émissions de CO2 (certificats carbone) visant à réduire l’émission globale de ce gaz. En d’autres mots ceux qui émettent plus de CO2 que le quota qui leur a été accordé, doivent acheter des certificats, en fait des permis de polluer, à ceux qui émettent des quantités inférieures à leur quota et donc disposent d’un excédent de ces certificats. Il a été lancé le 1er janvier 2005. Après une période d’essai (2005-2007), la seconde phase (2008-2012) était sensée se terminer le 31 décembre de l’année passée.

Durant la première phase du programme, un minimum de 95% du total des certificats devaient être attribués gratuitement. Durant la seconde phase, ce nombre a été réduit à 90%. La troisième phase est sensée introduire des normes plus restrictives. Toutefois, le début de la troisième phase a été reporté.

En outre, Connie Hedegaard, le Commissaire européen chargé de l’Action pour le Climat, a annoncé en novembre 2012 qu’elle ajournait d’un an la mise en vigueur de la réglementation « ETS » pour les vols partant d’un des pays de l’Union européenne ou y arrivant. Elle a également décidé de ne pas inclure, pour l’instant, les émissions de CO2 provenant du transport maritime dans le système « ETS ».

Depuis son lancement en 2005, le système « ETS » a connu nombre de décisions inappropriées et de déficiences allant de l’attribution surabondante de quotas d’émission – qui ont généré de plantureuses retombées financières pour les bénéficiaires du système – jusqu’aux fraudes et autres spéculations financières pouvant atteindre des centaines de millions d’euros.

En 2010, 65% des entreprises industrielles possédaient plus de certificats que ce dont elles avaient besoin et ce sans effet notable sur la réduction des émissions de CO2. Ces surplus pouvaient être reportés de la première à la deuxième phase. Et, bien entendu, ces certificats sont négociables sur le marché. Arcelor Mittal a été un des principaux bénéficiaires de ces surplus accumulant ainsi 102 millions d’euros de permis excédentaires, soit 1,4 milliards d’euros.

En outre, l’UE a également décidé d’incorporer un système flexible de certificats tel que le « Clean Development Mechanism » (CDM) pour des investissements, dans des pays en voie de développement, donnant lieu à des réductions certifiées d’émission de CO2. Un tel système a bien entendu conduit à des malversations.

Cet excédent de certificats carbone est une des principales causes de l’effondrement des prix de ceux-ci à côté d’autres facteurs tels que la crise économique et les bas prix du charbon.

Le Commissaire Hedegaard a appelé les États membres à se prononcer rapidement sur sa proposition de geler les quotas de permis pour faire remonter le prix de la tonne de CO2 afin de sauver le marché européen du carbone. Elle a préconisé de geler la mise aux enchères de 900 millions de tonnes de quotas CO2 sur la période 2013-2015 et de les reporter à la fin de la troisième phase en 2018-2020 (Selon certaines estimations, il y aurait actuellement, 2 milliards de tonnes de CO2 qui sont mis en réserve par les entreprises).

La Commission Énergie et environnement du parlement européen a rejeté, le 24 janvier 2013, la proposition du Commissaire de changer le calendrier des enchères ETS et d’intervenir ainsi sur le marché. Les pays membres sont divisés avec une Pologne fermement opposée à la proposition de Madame Hedegaard  tandis que l’Allemagne et le Royaume-Uni sont indécis.

Marie van der Hoeven, Executive Director de l’AIE, plaide contre une réforme du système ETS visant essentiellement à augmenter le prix du carbone. Elle fait valoir que ce serait très coûteux pour les consommateurs et pout les entreprises et que, dans les circonstances économiques actuelles, augmenter les coûts énergétiques est la dernière chose dont  l’Europe a besoin. Une meilleure approche, selon elle, serait, entre autres, d’améliorer et mieux structurer le marché du gaz européen en supprimant l’indexation du prix du gaz sur celui du pétrole et en s’orientant vers un marché efficace et intégré de manière à rendre le gaz concurrentiel par rapport au charbon qui, actuellement, grâce aux exportations américaines  à la suite de l’exploitation du gaz de schiste aux Etats-Unis, est devenu très bon marché.

La question est de savoir s’il faut maintenir le principe du schéma ETS en Europe alors que les autres régions du monde se gardent bien de porter préjudice à leur économie en adoptant un système de ce genre.

Ne serait-il pas possible de restructurer radicalement l’approche « climat » en acceptant qu’une politique climatique européenne puisse être réalisée comme une conséquence d’autres objectifs plus pragmatiques et attrayants politiquement ? En d’autres mots, un programme environnemental responsable ne pourrait-il pas être développé en promouvant économies d’énergie, amélioration des rendements, production d’énergies alternatives efficaces, économiques et non-intermittentes grâce à l’innovation, sans recours à des instruments financiers qui génèrent fraudes et effets d’aubaine mais ne servent pas ou très peu les objectifs pour lesquels ils ont été créés ?

Une telle politique ne serait-elle pas plus simple, plus transparente et plus cohérente ?