Intervention française au Mali · Quelle perception dans le monde arabo-musulman ?

Antonin Tisseron, chercheur associé à l’Institut Thomas More et Sébastien Masteau, chargé de mission

Avril 2013 • Analyse •


Près de trois mois après le début du déclenchement de l’opération Serval au Mali, pays à 90% musulman, l’Institut Thomas More a souhaité se pencher sur un aspect peu traité jusqu’ici : la perception ressentie par le monde-arabo-musulman et ses traductions dans les prises de position des États et de nombreux acteurs non-étatiques. Une veille conduite sur presqu’une centaine de sources a ainsi permis de dégager des catégories d’acteurs et de prises de positions diverses et parfois opposées. Elle a aussi permis d’obtenir une lecture en dynamique de l’évolution de ces positions dans le temps, à mesure que l’opération se déployait et produisait des résultats sur le terrain. On constatera ainsi que d’une réaction globalement hostile ou réservée, on est passé, de la part des États surtout, à une approbation le plus souvent silencieuse. Pourquoi ? Comment ? C’est ce que la présente étude s’est efforcée de mettre au jour.


Dans les jours qui suivent son lancement, l’opération Serval est fortement critiquée dans le monde arabo-musulman. Ingérence occidentale, intervention « illégale », « antimusulmane » et « néocolonialiste », les arguments ne manquent pas… Ces condamnations de l’intervention militaire française au Mali, qui émanent d’acteurs pluriels, ne sont pas sans évoquer les discours des groupes djihadistes et leur rhétorique.

Si ces dénonciations de la politique française occupent le devant de la scène politique et médiatique, plusieurs pays prennent toutefois position en faveur de l’intervention militaire au Mali, encore que leur soutien soit le plus souvent tacite et indirect afin de ménager des opinions publiques largement réticentes. Mais progressivement, le camp des partisans de l’intervention se renforce et celui des opposants se fissure sous le poids de la realpolitik, de l’évolution des opérations militaires ainsi que des manœuvres diplomatiques de la France et des États africains engagés dans le conflit. En cela, les discussions sur le bien-fondé de l’intervention française sont un révélateur des dynamiques plurielles qui animent les acteurs du monde arabo-musulman, unis derrière une même religion mais aux positionnements et intérêts divers, voire concurrents.