Le consentement à l’impôt est-il brisé ?

Jean-Thomas Lesueur, délégué général de l’Institut Thomas More

Décembre 2013-Janvier 2014 •


La question du consentement à l’impôt n’est pas, comme l’avaient bien vu les auteurs classiques, Tocqueville en tête, primordialement une question économique et fiscale : elle est d’abord politique. En acceptant de payer l’impôt, on adhère à (ou à tout le moins on admet…) l’ordre et les règles de la communauté politique à laquelle on appartient. Jusqu’ici, même en ronchonnant, les Français s’en sont acquittés en reconnaissant implicitement comme légitime l’État qui le perçoit et en utilise le produit.

Cela va-t-il durer ? Autant que durera la reconnaissance d’un « modèle français » à bout de souffle. Car ce qu’il y a derrière des remous sociaux et politiques qui restent épars et fragmentés mais qui se multiplient, c’est la sourde et inquiète conscience que le vaste appareil déployé par l’État depuis soixante ans – « modèle social » d’une part, « modèle républicain » d’autre part – tourne désormais à vide et ne protège plus les Français. Nous vivons la fin d’un cycle, celui de l’État social, jacobin et interventionniste que les responsables politiques qui se sont succédé à la tête du pays n’ont pas voulu réformer avec obstination. La fin du consentement à l’impôt, s’il advient, signera la fin de l’adhésion des Français à un « modèle » qu’ils considèrent, plus lucides que leurs dirigeants, désormais comme inefficace.

En effet, pourquoi payer toujours plus d’impôts à un État incapable d’endiguer les fermetures d’entreprises et la désindustrialisation et de créer au contraire les conditions de la croissance et de l’emploi ? Pourquoi payer toujours plus d’impôts à un État dont l’école fait la morale (laïque, naturellement) mais assure de moins en moins ses missions élémentaires qui consistent à apprendre à lire, écrire et compter à nos enfants ? Pourquoi payer toujours plus d’impôts à un État dont le système de santé et de soins se dégrade à vitesse grand V et dans lequel il faut être soit très pauvre, soit très riche pour en profiter ? Pourquoi payer toujours plus d’impôts à un État qui sait si mal assurer la sécurité de ses citoyens et de leurs biens et laisse des parties entières du territoire devenir des zones de non-droit ? Pourquoi, enfin, payer toujours plus d’impôts à un État qui gère si mal ses comptes et qui ne sait qu’augmenter toujours plus ses dépenses ?

Voilà ce que se disent nombre de Français dans un mouvement de ras-le-bol qui ne formule pas, à ce stade, de revendications très précises mais qui résonne à la fois comme une dynamique de désadésion à la promesse trahie du socle social-républicain français et comme un puissant aveu d’échec pour une classe politique incapable de penser et de leur proposer un nouveau modèle. L’augmentation du taux de TVA au 1er janvier 2014, annoncée il y a un an, oubliée depuis, sera peut-être la goutte d’eau qui fera déborder le vase.