12 février 2014 • Opinion •
L’affaire du gender a le mérite de nous faire réfléchir sur le partage des responsabilités éducatives entre l’État, l’école et la famille. L’école – dont la mission fondamentale est d’instruire- a son autonomie par rapport à la famille comme à l’État : elle apporte une ouverture et un enrichissement par rapport à la cellule de base qu’est la famille. Sur un plan politique, elle initie le futur adulte à la vie de la cité. L’enfant y apprend à servir son école, cette première communauté après sa famille. En Grande-Bretagne, cette logique est très perceptible : l’enfant porte l’uniforme de l’école, et assume des responsabilités croissantes au sein de la communauté scolaire. Il y apprend à connaître et honorer les anciens de son école et les grands noms de son pays. La volonté de contribuer positivement à la vie de la communauté (to be an effective contributor to the community) s’acquiert naturellement à l’école, parce qu’on y apprend sous un jour positif l’histoire culturelle, sportive, militaire, religieuse… de son pays. Le patriotisme britannique ou américain fait bien sourire le Français davantage enclin à la critique mais il facilite indubitablement la cohésion nationale et le désir des citoyens d’apporter leur pierre à l’aventure nationale. «Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays» : cette formule de J F. Kennedy résume bien cet état d’esprit.
Mais cette fonction extra-académique de l’institution scolaire doit demeurer très accessoire au regard de la mission de transmission des connaissances ; elle ne peut être remplie qu’en harmonie avec la famille, qui est le premier et principal responsable de l’enfant. A défaut, l’enfant est déchiré de façon schizophrène entre deux tendances contradictoires, ce qui est très déstructurant. Pour que règne la confiance, il importe que l’école reconnaisse le primat éducatif de la famille, et qu’elle les informe en toute transparence de ses buts, moyens et résultats. C’est précisément là que le bât blesse en France. Les droits des parents sont réduits à la portion congrue. Depuis la circulaire de juillet 2013, l’Education nationale se dispense d’informer les parents des sorties scolaires dès lors qu’elles ont lieu sur le temps scolaire normal ; de même, rien n’est prévu pour informer des interventions extérieures, alors même que la liste des institutions agrées est tout sauf consensuelle : SOS racisme (émanation directe du parti socialiste), SOS homophobie, Mouvement du planning familial… Depuis 2000, les jeunes filles peuvent recevoir la pilule du lendemain à l’école ou être orientée par l’infirmière scolaire vers un centre d’avortement extérieur à l’insu total des parents. On aura beau jeu ensuite de déplorer la perte d’autorité des parents et les accuser d’être démissionnaires.
Lorsqu’il assigne à l’école publique la fonction d’ «arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel», le ministre Peillon ne craint pas de s’opposer frontalement aux familles, lors même qu’on se situe sur le terrain de la vie privée, de la conscience et de l’intimité. C’est même un devoir pour l’école que d’émanciper les enfants de l’emprise présumée réactionnaire et obscurantiste des parents. Comment s’étonner alors que les enfants deviennent si souvent étrangers à la culture de leur propre famille?
En agissant ainsi l’État s’auto-investit d’une mission illégitime. Qu’il procède à coup de lois n’y change rien. Si l’enfant n’appartient pas à ses parents, comme l’a dit justement la sénatrice PS Rossignol, il est clair qu’il appartient encore moins à l’État. Cette évidence est un pilier du droit reconnu par tous, comme le rappelle l’article 26-3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants ».
Seuls les totalitarismes -et Sparte!- ont considéré que l’enfant appartenait à l’État, à la suite de Robespierre et de Danton qui dénonçaient l’effet rétrécissant de la famille sur le décor mental de l’enfant. Il est donc troublant de constater que le ministre Peillon met en place une politique éducative délibérément totalitaire.
Mais par sa violence inouïe, ce projet doctrinaire a tiré de sa torpeur cette majorité de parents qui pensait par principe pouvoir faire confiance à l’école publique. Le pacte de confiance entre l’État, la famille et l’école a été rompu. Il ne pourra être restauré que dans le cadre d’un modèle éducatif substantiellement différent où l’État garantirait activement les droits et libertés des parents en matière éducative, à commencer par leur droit à pouvoir choisir librement l’école de leur enfant, sans discrimination financière pour le cas où ils opteraient pour une école libre.