Juillet-Août 2014 • Opinion •
Le patriotisme économique serait-il à nouveau à la mode ? Alors que l’outil industriel français s’affaiblit chaque jour un peu plus, Arnaud Montebourg, ministre de l’Economie et du Redressement productif, s’agite et gesticule sans effet concret sur la réalité économique telle que la vivent les entreprises française. Le « décret Montebourg », pris dans la précipitation de l’affaire Alstom, en est l’exemple parfait.
Le réalisme et les politiques conduites par nombre de puissances industrielles (États-Unis et Chine en tête mais aussi certains pays européens) peuvent justifier le décret Montebourg dans son principe, au nom de la défense des « intérêts stratégiques » du pays. Mais, une fois le principe posé, des questions se posent : que faut-il considérer comme des « intérêts stratégiques » nationaux ? Et que révèle la prise de ce décret dans l’urgence du dossier Alstom ?
Le décret étend les mesures déjà existantes pour le secteur de la défense à ceux de l’énergie, de l’eau, des télécoms, de la santé et des transports. Rien que ça ! C’est une vision pour le moins extensive de l’intérêt national… Pourquoi pas le luxe et l’agroalimentaire, où la France excelle et où la concurrence internationale fait rage ? Si les pays où investissent les groupes français réagissaient de la même manière, on ne se serait pas réjoui du « contrat du siècle » décroché l’an passé par EDF au Royaume-Uni et Veolia ne serait pas leader mondial de son secteur, après une stratégie d’investissements internationaux extrêmement active pendant de nombreuses années. La production et la distribution d’électricité, les utilities ou les transports sont naturellement des secteurs très importants, mais l’intérêt national s’y joue-t-il ? Il faut raison garder et définir les « intérêts stratégiques » beaucoup plus finement.
Une approche si large révèle une vision brouillonne et inquiète qui fait douter de son efficacité à long terme. La « politique industrielle » est une vieille antienne de la classe administrativo-politique française (que la mondialisation crispe et tétanise chaque jour un peu plus), qui sert de paravent à l’affaiblissement dramatique de l’appareil industriel. Car le problème, dans l’affaire Alstom, est plutôt la fragilité et l’isolement du groupe français que le fait qu’il intéresse GE. L’économie est un corps vivant, les entreprises naissent, croissent et meurent, certaines sont conquérantes et d’autres s’étiolent. Le problème français est de permettre à nos entreprises d’être plus conquérantes. Le diagnostic a été fait cent fois, les solutions sont connues. L’étatisme le plus sommaire, l’endogamie malsaine du capitalisme français et le culte des « champions nationaux » n’y aident guère. Le décret Montebourg est davantage révélateur de nos faiblesses structurelles et de nos mentalités archaïques que d’une quelconque stratégie réfléchie et clairvoyante.