Septembre 2014 • Tribune 45 •
L’ouverture de l’Assemblée générale de l’ONU et les débats du 24 septembre 2014 appellent l’attention sur la grande fragilité de l’ordre international. A l’épreuve des faits, la « multipolarité » se révèle être une fausse évidence. Censée accompagner la montée en puissance de l’UE, l’idée d’un « monde multipolaire » a été instrumentalisée par la Russie et la Chine pour remettre en cause l’hégémonie des États-Unis et de leurs alliés européens. Une approche géopolitique des rapports de puissance révèle un monde hétérogène et déséquilibré. Seules les principales puissances occidentales conservent une vision d’ensemble des enjeux. Le renforcement des solidarités géopolitiques occidentales conditionne le maintien d’un semblant d’ordre dans un monde gagné par l’entropie et le chaos.
La géographie fondamentale, id est la géopolitique, est une description du monde historiquement située. Elle élabore des représentations fondées sur l’étude des ordres concrets, des forces à l’œuvre et des protagonistes de la politique mondiale. Lesdites représentations se renouvellent au rythme d’un monde mouvant. A la fin de la Guerre froide, l’hégémonie planétaire des États-Unis, légataires universels des pouvoirs de l’Ancien Occident, est patente. Le siècle naissant s’ouvre sur ce que Charles Krauthammer appelle le « moment unipolaire ». Ensuite, l’expansion de la Chine et du « monde des émergents », les contrecoups du cycle guerrier ouvert par les attentats du 11 septembre 2001, puis la première crise globale conjuguent leurs effets pour bousculer représentations et rapports de puissance.
Le discours du « monde multipolaire » s’est alors imposé comme une évidence. Cette représentation géopolitique était censée résumer le poids de nouveaux acteurs globaux et la reconfiguration de l’ordre international. Pourtant, le concept de multipolarité ne rend pas compte du « monde de la vie ». D’une part, les cinq ou six pays supposés concentrer le pouvoir mondial ne sont pas des acteurs d’envergure comparable. D’autre part, le discours multipolaire minore la place et le rôle de l’Occident dans la politique mondiale. L’approfondissement du « grand espace » euro-atlantique, le renforcement des solidarités géopolitiques occidentales et la désignation des menaces conditionnent la capacité à relever les défis et à maintenir un semblant d’ordre au plan international.