26 septembre 2014 • Opinion •
Expérimenter localement une mesure avant de la généraliser à la nation si l’expérience est concluante semble de bonne méthode. Cela permet d’innover en limitant les risques pris. Et pourtant la France n’y arrive pas. Pire, elle triche…
Lorsque le gouvernement dit qu’il expérimente une mesure, c’est qu’il a déjà décidé de la généraliser, quelques résultats qu’ait l’expérimentation. C’est à l’évidence le cas de celles sur les rythmes scolaires dont la mise en œuvre est contestée par 68 % des Français (sondage BVA Opinion pour Le Parisien, 6 juillet 2014), qui pose de sérieux problèmes de financement et de pénurie de personnels d’animation périscolaire compétents, mais qui sera tout de même généralisée en septembre prochain.
A contrario, si une expérimentation a fait ses preuves mais qu’il y a eu un changement de ministre, elle perd toute chance d’être généralisée. Ce fut le cas par exemple de l’expérimentation Legrand qui avait permis de voir les avantages qu’il y aurait à donner plus d’autonomie aux proviseurs en matière de recrutement et qui avait été immédiatement enterrée.
L’incapacité à mener correctement une expérimentation ferait-elle partie de l’exception française ?
Chez nous, l’expérimentation est toujours une forme d’édulcoration diplomatique d’une réforme qu’on a déjà décidé de mettre en œuvre de toute manière. C’est manifestement le cas avec les « ABCD de l’égalité » expérimentés dans 10 académies volontaires (comprendre que leur recteur est volontaire…pour un avancement rapide). Leur généralisation était annoncée avant même que l’évaluation ne soit menée à terme.
La manière dont le droit à l’expérimentation pédagogique introduit par F. Fillon a été savamment corseté en dit long sur l’hostilité de l’administration, et en particulier de l’inspection, à toute liberté d’initiative consentie aux professeurs.
La loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école du 23 avril 2005 prévoit en effet dans son article 34 (actuellement codifié à l’article L. 401-1 du code de l’éducation) un droit à expérimenter dans les écoles, les collèges et les lycées. Mais pour obtenir ce droit d’expérimentation, c’est un véritable parcours du combattant : les projets d’expérimentation « article 34 » sont présentés au conseil d’école ou au conseil d’administration. Ils sont ensuite examinés par l’autorité académique, en particulier le Conseiller Académique Recherche-Développement, Innovation et Expérimentation (CARDIE), et font l’objet d’une contractualisation incluant la mise en place d’un suivi régulier et d’un volet évaluation. (Source : MEN (Eduscol), Vademecum innovation pédagogique, p. 4). De quoi décourager les bonnes volontés, sans compter qu’il est strictement interdit d’infléchir même à la marge les programmes scolaires.
Plutôt que ces expérimentations pipées qui ne dupent personnes, l’État ferait mieux de laisser les initiatives se développer de la base, sans vouloir toujours imposer à l’ensemble du territoire la bonne idée développée localement par l’un ou l’autre. Il y a fort à parier que laissées libres, les écoles sauraient bien reprendre à leur compte pour les généraliser les bonnes pratiques développées en un point du territoire tout en se gardant bien de copier les mauvaises idées.
Mais voilà sans doute encore une nouvelle réforme à expérimenter !