20 novembre 2014 • Opinion •
Le débat sur l’énergie électrique en Europe, de plus en plus émotionnel, a engendré des réactions et postures excessives. Une division idéologique est, ainsi, apparue entre les États membres de l’UE, les uns visant un recours toujours accru aux énergies renouvelables (actuellement, essentiellement, intermittentes, c’est-à-dire fonctionnant une vingtaine de pourcents du temps, voire une trentaine à pleine capacité équivalente, selon qu’il s’agit d’éoliennes onshore ou offshore) et la sortie progressive du nucléaire, tandis que les autres promeuvent un mix énergétique plus équilibré, voire l’augmentation de la part du nucléaire dans ce mix.
Qu’en est-il réellement de la capacité de la production d’électricité d’origine nucléaire à répondre aux exigences de sécurité d’approvisionnement, de compétitivité et d’impact acceptable sur l’environnement ?
Commençons par la sécurité d’approvisionnement.
Les centrales nucléaires sont conçues pour produire l’énergie électrique à un niveau élevé de continuité. Les ressources en uranium sont bien distribuées géographiquement et la plupart des mines se trouvent dans des pays politiquement stables. Les réserves de minerais nucléaires sont suffisantes pour exploiter les centrales existantes durant plus de 90 ans, et davantage pour des réacteurs de 3e génération et encore bien davantage pour ceux de 4e génération (ces derniers n’étant pas encore commercialisés). Enfin, le thorium, un combustible alternatif, est réputé être trois fois plus abondant dans la croute terrestre que l’uranium et pourrait donc se substituer partiellement à celui-ci, lorsque la technologie qui l’utilise comme combustible, sera au point.
Les réacteurs nucléaires sont fiables et leur fiabilité, déjà élevée, ne cessera d’augmenter grâce aux progrès technologiques. Ils sont, en tous les cas, nettement plus fiables que les énergies renouvelables intermittentes et surtout que l’éolien offshore, une technologie incertaine comme l’attestent les vicissitudes du projet de parc éolien offshore BARD 1, dans la zone économique exclusive au large de l’Allemagne. En outre, ces énergies intermittentes poussent les réseaux de transport d’électricité à la limite de leur capacité et, par conséquent, en cas de dépassement de celle-ci, ne peuvent pas fournir leur énergie.
Les centrales nucléaires sont même plus fiables que les centrales hydrauliques dans les pays où les sécheresses estivales, de plus en plus fréquentes, ne permettent plus d’alimenter les barrages en eau.
En ce qui concerne la compétitivité, il est instructif de constater que les États membres de l’UE qui ont réalisé une pénétration élevée de la production d’électricité éolienne et solaire et/ou ont entamé la sortie du nucléaire, connaissent, tous, les prix les plus élevés d’électricité ce qui, bien entendu, est hautement préjudiciable à la compétitivité de leur industrie et au pouvoir d’achat des ménages.
Au Danemark, en Allemagne et en Irlande, pays engagés dans une stratégie ambitieuse d’énergie « verte », les prix de l’électricité sont les plus élevés de l’UE.
Les centrales au gaz, très compétitives lorsque le marché électrique n’est pas faussé par des décisions politiques donnant la priorité d’accès au réseau électrique, aux énergies intermittentes subsidiées, ne sont plus rentables dans les pays à politique verte, en raison de leur faible facteur de charge, c’est-à-dire à cause du nombre réduit d’heures de fonctionnement annuel.
Le charbon reste attrayant tant que les États-Unis continuent à exporter leur charbon bon marché et pour autant que le marché du carbone ne change pas la donne c’est-à-dire aussi longtemps que le prix de la tonne de CO2 se maintient au bas niveau actuel.
Par contre, l’énergie nucléaire est, actuellement, très concurrentielle par rapport à toutes les autres sources d’énergie électrique, en particulier, lorsque tous les coûts sont pris en compte, y compris ceux qui résultent de l’intermittence du solaire et de l’éolien, comme le montrent les études sur la comparaison des prix de l’électricité dans les pays de l’UE.
En matière d’empreinte carbone (émissions de CO2) le nucléaire n’a rien à envier aux énergies renouvelables intermittentes.
En effet, les États membres à pénétration élevée de l’éolien et du photovoltaïque dans leur marché domestique et/ou qui ont commencé à sortir du nucléaire, n’ont pas réalisé leurs objectifs de réduction d’émission de CO2 et, bien au contraire, ont, depuis quelques années, augmenté leur empreinte carbone du fait de la compensation de l’intermittence par la production d’électricité d’origine thermique.
Dès lors, au lieu de fermer les centrales nucléaires, allonger la durée de vie des meilleures d’entre elles et autoriser la construction de nouvelles centrales performantes, seraient une approche plus rationnelle vu que l’empreinte carbone par kWh de la production nucléaire est du même ordre de grandeur que celle des éoliennes onshore et de l’électricité produite par les centrales hydrauliques et moins élevée que celle de l’éolien offshore.
Reste à aborder le problème des déchets.
Toutes les formes de production d’électricité doivent faire face à l’évacuation de leurs déchets et/ou au recyclage de ceux-ci. Les volumes de déchets peuvent être plus élevés que prévus en raison de durées de vie plus courtes que planifiées (éolien et photovoltaïque) et/ou de bas niveau de recyclage (10% pour les panneaux photovoltaïques).
L’éolien et le solaire ne sont pas aussi « propres » que proclamés. Les deux matériaux les plus utilisés pour la fabrication des cellules des panneaux solaires, le tellurure de cadmium (CdTe) et le silicone cristallisé, présentent un sérieux danger. En effet, les panneaux solaires à film mince à base de silicone contiennent du gaz SiH4, extrêmement explosif, dont la fabrication produit du tétrachlorure de silicone, une substance fort toxique qui réagit violemment avec l’eau et cause des brûlures de la peau tandis que le cadmium est également fortement toxique.
Il en va de même pour les éoliennes synchrones dont l’alternateur est pourvu d’un rotor à aimant permanent. Ces aimants contiennent des terres rares. Des substances toxiques sont utilisées pour extraire celles-ci du minerai. En Chine, qui produit 97% des terres rares, les eaux usées chargées de produits chimiques toxiques et d’éléments radioactifs, sont déversées dans des bassins sans traitement préalables et contaminent fortement le sol et la nappe phréatique de la région.
L’UE, si attentive à l’impact sur la santé et sur la nature des produits importés, devraient se soucier davantage de l’empreinte toxique des panneaux importés de Chine.
En ce qui concerne les déchets nucléaires, des programmes de recherche sont en cours depuis longtemps, en Europe, pour le stockage des déchets de basse, moyenne et haute activité.
Ces recherches connaissent déjà plusieurs aboutissements concrets ; plusieurs centres de stockage de déchets à basse et moyenne activité sont en construction ou en fonctionnement dans plusieurs pays d’Europe ; la Belgique a prévu de construire le sien dans les prochaines années.
A ce jour, la France, la Russie, le Japon, l’Inde et la Chine retraitent la plus grande partie de leur combustible usé tandis que les États-Unis, le Canada, la Finlande et la Suède ont opté pour un stockage direct.
Il y a un consensus international pour considérer que le stockage géologique profond est une solution robuste pour l’évacuation des déchets de haute radioactivité et du combustible usé. Les installations souterraines européennes, en cours de test, ne montrent pas, jusqu’ici, de contre-indications pour un tel entreposage.
En résumé, il n’y a aucune raison d’exclure le nucléaire du mix de fourniture d’énergie électrique. Bien au contraire, il devrait en faire partie à côté du renouvelable et de l’électricité d’origine thermique, vu qu’il constitue une source d’énergie concurrentielle et durable et qu’il contribue à la sécurité d’approvisionnement électrique.