9 juillet 2015 • Analyse •
Après le vote en deuxième lecture par l’Assemblée nationale du projet de loi pour une Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTRe), la commission mixte paritaire qui réunit les deux chambres discute du texte ce jeudi 9 juillet. L’Assemblée est revenue sur l’essentiel des mesures votées par le Sénat. Si deux points positifs peuvent être salués, des erreurs et des fautes majeures demeurent dans un texte qui est très loin du « bing bang territorial » initialement promis…
Au chapitre des points positifs, il faut saluer une reclarification des compétences des collectivités bienvenue. Les sénateurs étaient en effet revenu sur la plupart des transferts de compétences prévus dans le projet de loi initial (transfert de la gestion des collèges, des transports scolaires, de la voirie départementale et des ports des départements aux régions), en réintroduisant la notion « d’intérêt communautaire » pour le partage des compétences entre communes et intercommunalités – qui contribue largement à l’enchevêtrement des compétences – et en maintenant la possibilité d’intervention de chaque niveau de collectivité en matière de culture, de sport et de tourisme. Si la question peut se poser pour le transport scolaire, il est bon que les compétences économiques en particulier de la région soient renforcées et clarifiées.
Autre point positif : la suppression de la clause générale de compétence pour les régions et les départements – mais cette disposition avait également été votée par le Sénat en seconde lecture.
Pour le reste, le texte commet des erreurs et des fautes lourdes de conséquences.
La première erreur est le défaut complet de vision de la stratégie territoriale de l’exécutif que le Parlement n’a pas su corrigé. En effet, à défaut d’avoir été traitée et débattue de manière concomitante, la question du « contenant », à savoir la carte des treize nouvelles régions, a largement éclipsé la question pourtant primordiale du « contenu », c’est-à-dire des compétences. Or, au vu des expériences européennes étudiées par l’Institut Thomas More (en partenariat avec Public Evaluation System), ni la suppression d’un échelon (un moment évoqué), ni l’agrandissement de la taille des régions ne constituent des préalables pertinents à une réforme réussie. Pire, alors qu’elle est présentée comme une source d’économies potentielles, la réforme institutionnelle qui se dessine sera génératrice de nombreux surcoûts. L’enjeu d’une réforme territoriale réussie aurait dû résider dans la répartition des compétences entre l’État les différents échelons territoriaux afin de savoir (enfin !) « qui est compétent pour quoi ».
Or l’absence de toute réforme de l’État et de ses compétences parallèle à celles des collectivités constitue une deuxième erreur grave. En effet, comme le montre là aussi les exemples étrangers, la réforme des collectivités locales ne peut se passer d’une réforme de l’État. Dans un contexte financier de plus en plus difficile pour l’État comme pour les collectivités, la redéfinition des périmètres d’intervention de chaque échelon de bas en haut reste plus que jamais une priorité. Il aurait donc été nécessaire d’achever le processus de décentralisation en transférant de manière ambitieuse un certain nombre de moyens d’intervention de l’État aux collectivités dans un certain nombre de domaines. L’Institut Thomas More a montré que cela était possible et souhaitable dans des champs aussi divers que le développement économique, la culture ou l’éducation.
L’absence quasi-totale de la question des finances des collectivités dans le débat constitue cette fois, non plus une erreur, mais une faute. En effet, alors que les collectivités sont contraintes de participer au redressement des comptes publics et s’apprêtent à faire face à une baisse drastique de leurs dotations au cours des trois prochaines années, la question des finances des collectivités est tout simplement absente des débats ! La réorganisation du panier de recettes des collectivités semble suspendue aux transferts de compétences qui seront opérés. Et pourtant, la rigidité croissante des budgets locaux montre que c’est bien de la soutenabilité du système financier local dont il est urgent de se préoccuper. Loin d’être une exception française, la question de l’équilibre financier des collectivités et des modalités de répartition des ressources, notamment fiscales, est débattue chez nombre de nos voisins européens et par tous les experts. Et cela semble bien normal ! Il apparaît donc inconcevable cette question évidemment majeure ne soit pas au centre des débats sur le projet de loi bientôt adopté.
La seconde faute enfin est politique et démocratique. En rétablissant le seuil minimum de population pour la constitution des EPCI (intercommunalités) à 20 000 habitants (contre 5 000 jusqu’ici) et l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires, le texte porte un coup sévère aux communes, notamment en zone rurales, qui sont pourtant le socle de la démocratie française. Il faut rappeler qu’alors que plus de 85% des Français ne font pas confiance aux dirigeants politiques nationaux, ils sont encore plus de 60% à apprécier l’action de leur maire. En contribuant à l’affaiblissement des communes, le texte n’aidera pas à renouer le lien en train de se rompre entre les citoyens et la politique. Par-delà les enjeux techniques, qui sont déjà majeurs, c’est là sans doute la plus grande faute de ce texte.