Octobre 2016 • Note 18 •
En comparant les résultats obtenus par François Hollande sur le front du chômage à ceux des deux quinquennats précédents, en les évaluant à la lumière des performances de l’Allemagne sur la même période et en analysant les principales mesures mises en œuvre depuis quatre ans, il est possible de répondre à la question à laquelle François Hollande a lui-même conditionné sa candidature pour 2017 : va-t-on assisté à une inversion de la courbe du chômage d’ici la fin du quinquennat ?
En 2012, François Hollande fut élu sur une promesse de baisse du chômage. Très vite, il s’engagea à inverser la courbe du chômage et affirma : « si le chômage ne baisse pas d’ici 2017, je n’ai aucune raison d’être candidat ». Au printemps 2016, quelques signaux permirent au président d’affirmer : « ça va mieux ». Le 29 juin 2016, dans un entretien aux Echos, il enfonçait le clou : « Il y a bien une reprise en France et un début d’inversion de la courbe du chômage. C’est un fait indiscutable ».
L’objet de cette note est de se pencher sur ce « fait indiscutable » et plus largement de tenter de faire un bilan de la politique en matière d’emploi de François Hollande depuis 2012. Quels sont ses résultats sur le front du chômage ? Les performances sont-elles meilleures que celles du quinquennat précèdent ? Que celles de nos voisins ? Enfin, va-t-on assisté, comme l’affirme l’exécutif, à une inversion de la courbe du chômage dans les prochains mois ?
Pour répondre à ces questions, nous proposons d’analyser les résultats du quinquennat de trois manières différentes : en les comparant avec ceux des quinquennats précédents de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy ; en les mettant en perspective avec ceux obtenus par l’Allemagne dans la même période ; en évaluant enfin les principales mesures mises en œuvre pendant le quinquennat. Ces éléments nous permettront d’évaluer le respect par Francois Hollande de l’engagement qu’il a pris devant les Français.
Une forte progression du chômage qui amplifie celle des quinquennats précédentsLa France connaît un chômage structurel depuis bientôt quatre décennies. Encore à 3,6% en 1976, le chômage est monté jusqu’à 10,3% en 1997, sans jamais redescendre sous la barre des 6% depuis 1981. Contrairement à nombre de ses voisins, la France n’a jamais su trouver de solutions efficaces et durables face à ce fléau. L’économiste Denis Olivennes a ainsi pu parler de « préférence française pour le chômage ». Il montrait qu’il existe en France un « consensus inavoué » en faveur du chômage, fondé sur un partage des revenues via les transferts sociaux plutôt qu’à travers le travail. Dans ce sens, le chômage n’est pas une fatalité mais plutôt un choix collectif délibéré (bien que non assumé). Sur la base de ce constat cruel, mais validé par les faits, il est intéressant d’analyser les résultats obtenus par François Hollande à la lumière de la longue durée (quinze ans), en les comparant à ceux obtenus par ses deux prédécesseurs, en se concentrant plus particulièrement sur celui de Nicolas Sarkozy (2007-2012). |
A l’analyse de ces chiffres, on constate que, si le chômage de masse est une réalité déjà ancienne en France, François Hollande n’a pas su, pas plus que ces prédécesseurs, cassé la logique de la « la préférence française pour le chômage ». Les politiques conduites pendant son quinquennat ont même plutôt contribué à aggraver une situation déjà critique. Pourtant l’expérience réussie de certains de nos voisins, à commencer par l’Allemagne, auraient pu l’inspirer …
Un bilan qui ne soutient pas la comparaison avec l’AllemagneIl est intéressant de comparer la situation française avec celle de l’Allemagne. D’abord pour nous assurer que les résultats que nous venons de mesurer n’ont pas des causes conjoncturelles qui affecteraient les deux côtés du Rhin. Ensuite parce que, par sa situation économique, par la taille de son marché du travail et par son revenu par habitant, l’Allemagne est le pays le plus comparable à la France. Enfin parce que notre voisin a osé entreprendre des réformes courageuses en révisant sa politique de l’emploi dès les années 2003-2005 avec les fameuses réformes Hartz. Il faut rappeler ici qu’à l’époque l’Allemagne était considérée comme « l’homme malade » de l’Europe – une chose presque inimaginable aujourd’hui… |
En 2005, à l’arrivée d’Angela Merkel au pouvoir, le chômage s’élevait à 11,2% en Allemagne et était supérieur à celui de la France. Des reformes importantes du marché du travail ont été menées et ont obtenu des résultats impressionnants. Les années 2014 et 2015 ont montré une continuité des écarts entre les deux pays avec un chômage français qui a progressé au-delà des 10% et un chômage allemand désormais en dessous des 5%. Le symbole de cette réussite est l’instauration, début 2015, d’un salaire minimum en Allemagne supérieur au salaire minimum français – cette mesure démontrant qu’après des réformes ambitieuses (et l’apparition d’emploi précaires avec les mini-jobs), l’Allemagne peut désormais, grâce à son niveau de chômage très bas, protéger davantage ses salariés.
Force est de constater que le quinquennat de François Hollande n’a pas réussi à inverser la tendance quand l’Allemagne récoltait les fruits de réformes courageuses. Comme on va le voir maintenant, les solutions retenues depuis 2012 font pâle figure au regard de la réussite allemande et expliquent amplement les résultats obtenus.
Des dispositifs de lutte contre le chômage largement inefficacesL’exécutif n’est pas resté inactif pendant le quinquennat. Il a pris plusieurs initiatives fortes, dont on peut désormais juger des résultats. |
Conclusion | Le vrai bilan du quinquennat : 1 million de chômeurs de plusOn vient de le voir, les initiatives n’ont pas manqué pendant le quinquennat mais leur analyse révèle qu’aucune mesure structurelle n’a permis de changer la donne sur le marché du travail. L’essentiel de l’action a consisté à créer des emplois aidés à grand renfort d’argent public et sans garantie pour l’emploi à long terme. Elle traduit une volonté de diminuer les statistiques du chômage à court terme – le programme de formation de 500 000 chômeurs annoncé début 2016 en est l’illustration évidente. Alors que François Hollande affirme comme un « fait indiscutable » que la situation s’améliore, il convient maintenant de répondre à la principale question posée au début de cette note : observe-t-on une véritable inversion de la courbe du chômage en 2016 ? Pour l’affirmer, l’exécutif se base sur un recul, au premier semestre 2016, d’environ 55 000 chômeurs de catégorie A. Cette modeste baisse a eu lieu principalement sur les mois de janvier, mars et avril 2016. En revanche, dès le mois de mai, on a de nouveau observé une hausse du nombre de chômeurs pour atteindre un nouveau record en août à plus de 5,5 millions de chômeurs (catégories A, B et C). |
Par conséquent, il est faux de parler d’inversion de la courbe du chômage en se basant uniquement sur trois mois et alors que l’on sait que les emplois aidés et le plan de formation massif ont un effet statistique à court terme (la catégorie D a fortement augmenté au 1er semestre 2016) mais que leur impact à long terme est tout à fait incertain. Une véritable inversion de la courbe du chômage réclamerait une baisse importante et dans la durée du nombre de chômeurs – par exemple une baisse sur un an et un niveau de chômage qui repasserait sous la barre des 5 millions (niveau de mai 2014) pour les catégories A, B et C.
Que va-t-il arrivé dans les prochains mois ? Il est vraisemblable que le deuxième semestre 2016 et le premier semestre 2017 auront des résultats « en tôle ondulée », c’est-à-dire une baisse suivie d’une hausse, suivie d’une baisse, etc. Et même si une baisse devait se confirmer sur plusieurs mois, il ne faudrait pas s’y tromper. Elle serait principalement le résultat de la politique d’emplois aidés et du plan massif de formation de janvier 2016 et ne signifierait pas un changement durable sur le front de l’emploi pour la simple raison qu’aucune réforme d’envergure n’a transformé les règles du marché du travail pendant le quinquennat qui s’achève.
Le vrai bilan de François Hollande est la hausse de 1 160 300 demandeurs d’emploi depuis mai 2012. |