24 mars 2017 • Opinion •
À en croire Eric Naulleau, dans son Petit livre noir du roman contemporain, qu’il cosigna avec Pierre Jourde, Christine Angot aurait un jour, lors d’un entretien journalistique, prononcé cette phrase pleine de lucidité : « Il y a des gens qui se marrent en me lisant ». C’est possible et même très probable : cela m’est arrivé. En l’écoutant parler par contre, pas trop.
Hier soir par exemple, face à François Fillon, si Mme Angot cherchait à faire rire, il faut lui dire que c’est raté. Un vrai bide. Mais c’est qu’hier soir, Christine Angot s’est confrontée au mal pur. A la hideur incarnée : un homme qui, le salaud, a employé sa famille et accepté des cadeaux. Pris par la patrouille médiatique, cet homme avait encore l’outrecuidance de ne pas retirer sa candidature et de ne pas retourner se terrer, honteux, dans sa province, persistant même à polluer de sa présence le Paris de Mme Angot. Celle-ci trouvait aussi, dans une de ses récentes chroniques, à la faveur d’un de ces raisonnements chaotiques et obscurs dont elle a le secret, que Pénélope Fillon était, « sous ses airs timides », aussi violente que Mehdi Meklat… Toutes ces horreurs, c’était trop pour Mme Angot, et c’est ainsi qu’elle déplaça son austère personne jusque dans le poste de télévision, pour venir rendre elle-même la justice, sous les spotlights.
Dans ses romans, Christine Angot dit beaucoup « je », mais à la télé, Christine Angot dit « nous ». A l’unisson de Mme Angot, il paraît que « nous » sommes indignés, nous autres qui ne sommes pas dans le poste, par la « malhonnêteté » de François Fillon. « Nous » devrions comme elle être tout remplis de notre bonne conscience et de notre colère, contents d’être qui nous sommes, et de ne pas être lui. Il paraît que « nous » devrions même nous sentir représentés par Mme Angot qui sérieuse comme un pape d’autrefois, pourfend devant nous les forces du mal. Eh bien non, not in my name, comme disent les musulmans que j’aime. Mme Angot et ses diatribes de bigotes déchaînées ne me représentent pas.
Mme la procureure Angot ne représente que ce qu’il y a de plus sinistre dans la mentalité persécutrice de notre temps. Sa bonne conscience et son esprit de sérieux. Toute de noire vêtue, sourcils froncés, fulminante, dressée, elle pointe des doigts accusateurs et semble invoquer la colère des dieux, pour pourfendre l’ennemi de la religion du jour, et du genre humain, convoqué devant son tribunal. C’est à peu près comme ça que je me représente le Grand Inquisiteur dans l’Espagne de Torquemada, mais j’ai peur de céder ainsi aux clichés les plus anticatholiques de notre belle république. Se réclamant de la foule des anonymes en colère, Mme Angot fut cependant désarçonnée par quelques huées venant du public. Incapable de boire quelques gouttes de la potion amère qu’elle voulait faire ingurgiter à François Fillon, Christine Angot se retire alors rapidement, mais prétend, en quittant le plateau, avoir courageusement incarné la voix vengeresse non seulement de la foule anonyme et vindicative, mais aussi des journalistes eux-mêmes…
La représentativité ne s’improvise ni ne se décrète. Fort heureusement, Mme Angot n’a aucune légitimité pour dire « nous ». Qu’elle se contente de son dérisoire nombril, qu’elle expose complaisamment dans ses illisibles romans. Si quelqu’un me représentait hier soir, c’était François Fillon, cet homme blessé et doutant visiblement de lui-même et de ses choix, mais qui dans ses doutes et ses blessures manifeste plus d’humanité que la furie pleine d’elle-même qui lui faisait face. Si quelqu’un doit porter ma voix, ce sera lui, et non Mme Angot.