15 septembre 2017 • Opinion •
Le « pour-toussisme » a encore frappé… Dans un monde d’exclusion économique et sociale, le sésame « pour tous » a quelque chose de sympathique. Et c’est bien la formule utilisée par Marlène Schiappa, Secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, pour justifier l’ouverture de la Procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes dès 2018.
Les questions posées par ses partisans sont les suivantes : pourquoi une femme mariée à un homme pourrait-elle avoir recours à la PMA en cas de problème médical, alors qu’une femme mariée à une autre femme ne le pourrait pas ? Pourquoi une femme vivant avec un homme pourrait-elle y avoir accès, alors qu’une femme seule en serait privée ? Puisque les gamètes mâles sont sur le marché, elles devraient être accessibles à toutes : au nom de quoi refuser la PMA aux femmes qui le demandent quelle que soit leur situation, alors que les progrès de la médecine la rendent possible ? Ces questions oublient un principe fondateur de nos sociétés, et de toutes les sociétés humaines : l’enfant est le fruit d’un homme et d’une femme.
Le féminisme du rejet de l’homme
Pour justifier leur refus à ce projet, certains esprits chagrins regrettent le temps où ces questions ne se posaient pas. Il serait illusoire de croire que tout allait mieux. Et ce n’est pas au nom du monde d’hier que ce projet doit être combattu. C’est au nom de l’enfant, du respect de sa dignité et de ses droits. A l’opposé, ceux qui veulent faire table rase du passé, au nom d’un libéralisme et d’un individualisme sans borne, nous conduisent à une impasse. Car il est dans nos sociétés des permanences que nous devons prendre au sérieux et traiter avec précaution. La filiation en est une. Parce que l’enjeu principal est l’enfant, lui-même, on ne peut jouer avec les fantasmes de la toute-puissance individuelle, même pour assouvir le désir respectable d’être mère.
De ce point de vue, ce projet apparaît comme le stade ultime du vieux féminisme individualiste, marqué par la pensée marxiste qui vise avant tout à mettre fin à la domination de l’homme sur la femme. Au motif que les femmes ont été soumises à l’autorité des hommes – ce qui est vrai dans un certain nombre de domaines, sociaux et politiques en particulier – certains courants féministes du siècle dernier, comme le Mouvement de libération des femmes (MLF) hier et Osez le Féminisme aujourd’hui, se sont construits sur le rejet de l’homme de la sphère de la famille et du couple.
Cependant, il restait la filiation comme lien incontournable de l’homme et de la femme, du père et de la mère. Les progrès de la médecine procréative ont fragilisé ce lien : plus besoin de relations sexuelles pour procréer, plus besoin d’un homme pour qu’une femme devienne mère. La formule des juristes « la femme ne peut être mère sans le père », qui fonde la présomption de paternité, est remplacée par « la femme peut être mère sans le père », victoire de la souveraineté de l’individu, féminin en l’occurrence, dans un domaine qui pourtant requiert l’union de l’homme et de la femme.
Un père pour tous !
L’enfant oublié dans ce débat sait, lui, qu’il sera privé de père. Une chose est de constater que le nombre de familles monoparentales augmente et que dans 80% des cas ce sont des femmes qui élèvent seules leurs enfants, une autre est de décider par la loi qu’un enfant peut être privé de père.
Les expressions du discours de Marlène Schiappa ne pourront jamais justifier une entorse au respect de la dignité de l’enfant et de ses droits. Au nom du « pour-toussisme », l’enfant demande « un père pour tous » ! Au nom de la justice sociale (« toutes les femmes ne peuvent pas aller dans les pays où la pratique est autorisée, donc il faut l’autoriser en France »), l’enfant implore de ne pas l’oublier, lui, car il ne pourra jamais être réduit à un objet d’un désir ou d’une revendication. Au nom de la lutte pour l’égalité et contre les discriminations, l’enfant ne peut tolérer d’être privé d’un père par la loi alors que ses copains d’école en sont pourvus. Où est l’égalité des enfants ? Où sont les discriminations ?
Oser un autre féminisme
La « PMA pour toutes » apparaît donc bien pour ce qu’elle est : le dernier sursaut d’un féminisme utilitariste dans une société de consommation qui conjugue avec frénésie le verbe « avoir » plutôt que le verbe « être ». Ce féminisme a voulu répondre à la quête d’égalité par le faire et l’agir, par les comportements et les rôles, jusqu’à penser qu’être père ou mère n’avait aucune importance, ni n’avait de sens pour l’enfant. L’égalité de l’homme et de la femme se situe à un autre niveau, celui de l’être. Les différences entre l’homme et la femme ne sont pas des différences absolues. L’un ET l’autre ont la même nature humaine, la même dignité et les mêmes droits. Leurs différences sont relatives à la procréation.
Il est donc urgent d’inventer un nouveau féminisme respectueux de l’égalité de l’homme et de la femme, un féminisme de réconciliation de la femme avec elle-même dans sa triple dimension de femme, d’épouse (ou de compagne) et de mère ; et de la femme avec l’homme, dans le respect de chacun, en vue d’une œuvre commue, dans la famille, dans le travail et dans la société.
La « PMA pour toutes » est le révélateur d’une société disloquée, individualiste, consumériste et revendicative. Mais elle peut aussi être un appel à un sursaut d’un plus grand respect entre homme et femme, hors des rivalités et des compétitions pour le bien de l’enfant dans la famille et pour le bien de tous dans la société.