7 décembre 2017 • Analyse •
L’ouverture d’un grand chantier de la fiscalité locale, demandé par François Baroin et annoncé par Emmanuel Macron à l’occasion du Congrès des Maires, est une bonne nouvelle pour le pays. La charge de la dépense publique et la faiblesse de la réforme structurelle de l’Etat depuis des décennies pèsent trop lourdement sur les acteurs de la vie politique, économique et sociale, collectivités en tête, et ne sont pas étrangères à la « société de défiance » qui caractérise notre pays. Quand 65% des Français se défient des institutions et des responsables politiques nationaux, 67% apprécient leur maire : une partie de la réponse au problème est assurément locale. Ce chantier doit être l’occasion de renouveler profondément et de garantir les conditions de l’autonomie financière des collectivités locales.
Une part prépondérante des ressources des collectivités provient de dotations et subventions, versées sous différentes formes, principalement par l’État. Le mécanisme budgétaire (vote d’une autorisation de dépenser pour l’année, et donc de prélever l’impôt, puis contrôle a posteriori) place les responsables locaux dans une position de quémandeur permanent. Et l’État peut abuser de cette position de force… Pourtant, soumises à plusieurs années de restriction budgétaire, gel puis baisse des dotations, les collectivités, et notamment le bloc communal, ont retrouvé en 2015 et maintenu une capacité d’épargne positive, perdue depuis 2004.
Comment sortir de cette relation malsaine ?
Il conviendrait en premier lieu de doter enfin notre pays d’un mécanisme d’évaluation des charges et des ressources qui permette de définir un coût standard à financer qui fasse référence.
Le besoin constaté, actualisé tous les ans, s’imposerait à l’État comme aux collectivités. Prévisible, il permettrait à celles-ci de programmer leurs actions. Garanti comme source de l’autonomie financière au titre de l’article 72-2 de la Constitution, il ne pourrait pas servir de variable d’ajustement conjoncturelle. Pour fonctionner, il nécessiterait la détermination d’un socle commun de services publics assurés à tous : c’est lui dont le financement serait garanti. Les services supplémentaires délivrés par les collectivités serait assurés par d’autres ressources. Puissant moteur de péréquation, cette façon de faire, dont on trouve l’application dans des pays de l’OCDE comme le Japon, la Suède ou l’Italie, permettrait de clore le débat souvent affligeant que l’on trouve autour des mécanismes péréquateur. Les outils nécessaires existent et fonctionnent déjà : INSEE et open data.
Deuxième proposition : le financement des collectivités par un impôt partagé.
Il existe ailleurs en Europe et permet aux collectivités allemandes, danoises ou finlandaises par exemple, de fonctionner sans que l’on questionne leur autonomie. La contrainte d’un tel impôt, que ce soit l’impôt sur le revenu ou la TVA, c’est qu’il repose généralement sur un taux unique fixé nationalement. Pourquoi, dans certains cas, ne pas laisser aux communes la possibilité de moduler à la hausse, d’un niveau plafonné, l’impôt sur le revenu ? Cela permettrait, par exemple, aux communes les plus aisées d’offrir à leur population un plus grand niveau de service conforme à leurs attentes.
Enfin, puisque les élus souhaitent une ressource autonome, l’imposition foncière paraît bien la plus légitime.
L’action d’une collectivité participe, à la hausse comme à la baisse, à la valorisation immobilière. La capacité fiscale des collectivités trouve là à s’exprimer pleinement. Mais elle nécessite une évaluation régulière de la valeur des biens immobiliers. A condition de le faire accepter à la population sans qu’elle en tienne responsable les élus locaux plus que de raison.
La mise en œuvre combinée de ces trois propositions permettrait de consolider et d’accroître l’autonomie financière des collectivités locales. Financière, dit-on, plutôt que fiscale. Car, en la matière, il ne faut pas se tromper de combat : en France, la fiscalité locale n’a jamais représenté une part majoritaire des ressources des collectivités locales. Contrairement à la confusion largement entretenue, la fiscalité directe locale qui regroupe les taxes sur le foncier bâti et non bâti, sur l’habitation et sur les entreprises (taxe professionnelle partiellement transformée en cotisation foncière des entreprises) n’a jamais représenté plus de 40% des recettes annuelles des collectivités ces vingt dernières années. Ce brouillard sémantique, les élus n’en sont pas seuls responsables : les exécutifs successifs, les électeurs et les médias en partagent le fardeau. Tous, nous cherchons à mesurer un résultat. En matière locale, l’enchevêtrement des niveaux et des compétences rend illisible l’action publique : le niveau des taux d’imposition, trop souvent, résume l’action municipale.
Pourtant, la question fiscale n’épuise pas la question territoriale. Il serait temps que l’État comme les élus locaux l’admettent et passent à autre chose ! C’est pourquoi le chantier annoncé est le bienvenu s’il permet un accord clair et pérenne. Une fois conclu, il permettra aux collectivités et à leurs élus de se consacrer aux missions et au lien social de proximité pour lesquels les Français les apprécient et les plébiscitent le plus souvent.