13 mars 2018 • Opinion •
La sortie totale du nucléaire d’ici à 2025 et son impact sur la facture d’électricité font l’objet de communications, commentaires et publications en sens divers de la part de politiques, d’associations, de groupes de pression et d’individus. Le sujet divise jusqu’au sein même du gouvernement. Cette fois, il ne s’agit plus de se lancer dans des considérations générales, voire nébuleuses visant l’émotionnel, mais d’avancer des arguments fondés sur des études chiffrées réalisées par des professionnels.
Une lecture de celles-ci trop rapide ou partielle conduit à des conclusions erronées sinon absurdes. Il est vrai qu’il n’est pas simple de pénétrer les arcanes d’un système électrique et que s’exprimer sur ce sujet requiert réflexion et prudence.
L’information ne manque pas. Plusieurs livres, études et articles ont été publiés sur les mix électriques possibles en Belgique dans le cadre d’une politique renonçant a priori à toute prolongation d’unités nucléaires.
Le souci de la ministre de vouloir justifier, à tout prix, la sortie du nucléaire, l’a conduite à annoncer, dans la précipitation, une augmentation ridiculement basse de la facture d’électricité de 15 euros par an et par ménage, à la suite de la fermeture de toutes les unités nucléaires d’ici à 2025. Aucun académique, professionnel ou expert des systèmes électriques ne s’est jamais aventuré dans une estimation aussi faible de l’impact de la fermeture de toutes les centrales nucléaires sur la facture d’électricité des ménages. Plusieurs d’entre eux ont communiqué ou publié sur le coût de la sortie du nucléaire et, en particulier, l’expert choisi par la ministre. Dans son livre qu’il a sorti peu avant la remise de son rapport à Mme Marghem, il étudie le coût système de cette décision politique. Dans tous les scénarios envisagés, ce-dernier est nettement plus élevé sans nucléaire que dans le cas de la prolongation au-delà de 2025 de certaines unités de production nucléaire.
Le calcul
Rappelons, s’il en était besoin, que les scénarios pris en considération ne concernent que la prolongation de centrales nucléaires existantes et non la construction de nouvelles unités de troisième génération. Même si l’impact sur la facture des ménages n’est pas explicité dans le livre susmentionné, il n’est pas difficile de le calculer à partir des informations qui y figurent.
Le gonflement de la facture d’électricité par ménage est fonction : du surcoût économique résultant de la fermeture totale de la production nucléaire en 2025 par rapport à une prolongation de certaines unités nucléaires, de la consommation électrique totale des ménages en pourcentage de la demande globale d’électricité en Belgique (soit environ 23 %) et du nombre de ménages en Belgique.
Un surcoût de 2,5 milliards d’euros en 2030 est obtenu en faisant la différence entre le coût économique du scénario sans nucléaire (ALT) et celui incluant une prolongation d’une capacité nucléaire de 4 000 MW (NUC) (1). Le surcoût pour l’ensemble des ménages, en tenant compte des 23 % précités, est d’environ 600 000 millions d’euros. En le divisant par le nombre de ménages belges, on obtient un surcoût par ménage et par an largement supérieur à 100 euros.
Pour une prolongation d’une capacité nucléaire de seulement 2 000 MW, le surcoût reste toujours important et fortement supérieur aux 15 euros clamés par Mme Marghem.
A quoi sert-il donc de se choisir des experts si c’est pour en ignorer les études ? Une lecture attentive des documents à sa disposition et l’écoute des professionnels des systèmes électriques auraient évité à la ministre les désagréments d’une bévue mémorable…
(1) Johan Albrecht, Le Trilemme énergétique, (éd. Itinera Institute/Skribis).