21 septembre 2018 • Opinion •
« L’usine du futur aura deux employés : un homme et un chien. Un homme pour nourrir le chien, un chien pour protéger les robots » : cette salve de Carl Bass, le PDG d’Autodesk, nous alerte sur l’impact économique de la révolution technologico-industrielle liée à l’intelligence artificielle (IA), la robotique et la domotique. Force est de constater que bonne ou mauvaise intrinsèquement, cette révolution a un fort potentiel anxiogène du fait du plafond de verre technologique qu’elle impliquera pour nombre de carrières. Pour certains de nos concitoyens l’avenir paraît se résumer à un mélange de robotique et de transhumanisme, paradis des machines intelligentes et enfer programmé pour les salariés, surtout les moins formés, les plus âgés, les plus précaires, les plus fragiles.
Sans entrer dans le débat plus ou moins stérile sur l’existence actuelle ou non de l’IA forte, nous pouvons affirmer que de plus en plus d’emplois vont être détruits et remplacés par des robots et des automates puisque les programmes experts qui fonctionnent en ce moment même détruisent déjà des milliers d’emplois. Mais cette révolution recèle par ailleurs de formidables gisements d’emplois. Pour PwC, l’intelligence artificielle ajoutera 15.7 trillion de dollars au PIB mondial à l’horizon 2030, soit sic fois la capitalisation boursière des GAFAM. L’impact peut se décomposer entre amélioration de la productivité du travail (6,6 trillions après une stagnation depuis le début du siècle) et hausse de la consommation de nouveaux biens et services. Les économistes arrivent assez bien à estimer les aspects négatifs (destruction d’emplois dans la banque, les services, la distribution) et positifs (surplus de PIB) de cette révolution tout en étant incapables d’en cerner le rythme et l’avènement de ce que Kurzweill appelle la singularité, l’hypothétique accomplissement de ce cycle technologique.
Face à ce changement de paradigme, économistes et politiques ont fait feu de tout bois en matière de préconisations de politiques économiques : si les taxes sur les robots ou revenus universels de transition technologique paraissent prématurés, d’autres pistes sont prometteuses.
En premier lieu celles qui associent cette révolution à un effort industriel volontariste avec montée en gamme de l’industrie française et abaissement de la fiscalité sur la production (200 milliards en France dans son acception large). L’industrie française doit se renforcer technologiquement sur la machine-outil, la mécanique de précision, la robotique : l’offre actuelle, qui peine à rattraper le niveau des Allemands ou des Scandinaves, sera significativement améliorée par une bonne maîtrise de l’IA appliquée à la chaîne de production. La maîtrise de l’IA est un enjeu majeur dans le redressement de notre balance commerciale, car ces technologies ne seront pas maîtrisées par tous les pays développés. A cet égard, la France manque des opportunités en cantonnant l’IA au logiciel alors que le hardware est la pièce maîtresse des réseaux d’IA. Nous devons réinventer une industrie française s’articulant entre des travailleurs qualifiés et des robots et des algorithmes qui seront les ouvriers de premier niveau.
En second lieu, la formation et l’apprentissage doivent intégrer cette collaboration entre les hommes et les robots très rapidement : les différents crédits de formation existants doivent inclure cette transition. Une piste, qui n’a pas encore été exploré mais qui pourrait se révéler particulièrement prometteuse, serait l’instauration d’un crédit de formation de transition technologique pour les salariés en fonction des évolutions techniques afin de leur permettre de rester dans la course ou de changer de domaine d’activité s’il n’y a plus aucun avenir humain dans celui-ci. Le montant de ce crédit de formation de transition technologique serait déterminé en fonction des secteurs économiques, du niveau d’automatisation atteint et du niveau d’étude du salarié afin que chacun puisse être au niveau de la révolution industrielle qui s’amorce.