26 avril 2019 • Opinion •
Le projet de loi « pour une école de la confiance » arrive en discussion au Sénat. Jean-Thomas Lesueur, délégué général de l’Institut Thomas More, espère que l’assemblée des territoires enrichira le texte dans le sens d’une décentralisation accrue et d’une plus grande liberté des acteurs locaux.
Le projet de loi « pour une école de la confiance » arrive au Sénat ce 30 avril dans une ambiance toute différente de celle qui avait présidé à son adoption en première lecture à l’Assemblée nationale en février. Le texte porté par Jean-Michel Blanquer, assez plat, sans grande ambition et relevant surtout du fourre-tout législatif, avait suscité un peu d’émotions chez les enseignants mais guère de polémique très vive…
C’est un amendement voté en séance à l’Assemblée qui a changé la donne et enflammé le monde de l’école : un amendement favorisant le rapprochement entre écoles primaires et collèges. Syndicats d’enseignants et de parents d’élèves y voient un risque de « fermeture d’écoles » et une menace pour le « service public ». Il y a beaucoup d’exagération dans cette posture, même s’il faut convenir qu’un tel sujet méritait mieux que la voie d’amendement, qui donne l’air de vouloir agir en catimini et d’escamoter le débat.
Laisser les collectivités locales décider
Ce fameux amendement, permettant de créer des « établissements publics de savoirs fondamentaux » qui rassembleraient donc des classes de primaire et de collège, est en outre peu explicite et mal abouti. Pourtant, l’objectif affiché de continuité entre primaire et collège et de création de projets pédagogiques dynamiques favorisant la collaboration entre enseignants de cycles différents va dans le bon sens et mérite d’être salué.
Et puisque le Sénat est l’assemblée des territoires, que les sénateurs s’en saisissent, le précisent et l’enrichissent dans le sens d’une décentralisation accrue et d’une plus grande liberté des acteurs locaux.
Cela pourrait signifier concrètement que la décision de création d’« établissements publics de savoirs fondamentaux » ou de fermeture de classes reviendrait exclusivement aux collectivités locales et non aux services de l’État comme ça l’est pour l’instant. Cette capacité pourrait rester expérimentale. Mais ce serait une avancée spectaculaire que de graver dans la loi cette liberté laissée au terrain, sans qu’un modèle ne soit imposé d’en haut, sans que les services de l’État ne le décident à la place des acteurs locaux (élus et communauté éducative).
Clarifier le financement et préciser le statut des directeurs
A cette première mesure devrait s’ajouter une clarification sur le financement de ces « écoles du socle ». Il conviendrait en effet d’éviter à tout prix des situations ubuesques où les communes gèreraient une partie de l’école et le département l’autre partie ! Laissons donc aux collectivités, et d’abord aux communes, le soin de choisir et de s’entendre. Ce sont elles qui sont les plus à même de connaître leur territoire. Pour une fois, faisons-leur confiance sans leur imposer un carcan tombé d’en haut.
Le cas des directeurs de ces écoles, qui a fait couler beaucoup d’encre, devra également être précisé. Il serait intelligent de profiter de ce projet de loi pour permettre aux directeurs d’écoles primaires d’accéder à un statut (ils n’en ont pas de particulier à l’heure actuelle) en devenant, au sein de ces établissements, directeur-adjoint en charge du primaire avec une vraie autonomie de gestion de leur projet pédagogique et d’animation de leur équipe éducative sous la responsabilité du chef d’établissement (le directeur de l’ancien collège).
Elargir le recours à l’expérimentation
Enfin, en accompagnement de ces nouvelles dispositions, les sénateurs devraient muscler le volet dédié au recours à l’expérimentation dans les écoles publiques et privées sous contrat du projet de loi. A ce jour, il permet timidement d’étendre les domaines d’expérimentation à la répartition du volume des horaires d’enseignement et aux procédures d’orientation des élèves. Il serait temps de graver dans la loi que l’expérimentation fait pleinement partie de la politique éducative de la nation. L’audace serait d’accorder aux équipes enseignantes une large autonomie pédagogique qui se traduirait par une liberté de moyens, de méthodes et de pédagogies.
Concrètement, ce recours à l’expérimentation pourrait être accordé à quelques départements sur une durée de trois ans avec des objectifs précis de connaissances acquises par les élèves mais une liberté de moyens pour les enseignants. Exigeant sur l’objectif, souple sur les moyens : voilà qui serait neuf dans l’Éducation nationale et permettrait aux acteurs concernés de s’adapter au mieux aux besoins de leurs élèves.
Jean-Michel Blanquer le répète souvent : c’est par la confiance qu’on rebâtira l’école. Il a raison. Et puisque le dernier espace de confiance dans notre pays est l’espace local, le Sénat tient l’occasion, avec la discussion qui s’ouvre dans son hémicycle, de donner corps et sens à ce besoin de confiance.