27 juin 2019 • Opinion •
Elizabeth Montfort, Michèle Fontanon-Missenard, Christian Flavigny et Chantal Delsol sont membres du groupe de travail Famille de l’Institut Thomas More, qui vient de publier la note « PMA, filiation, transmission : Quels sont les besoins de l’enfant ? » (disponible ici).
Alors que le projet de révision de la loi relative à la bioéthique, qui porte l’extension de la PMA aux femmes seules ou aux unions de femmes, va bientôt être présenté en Conseil des ministres, il convient de s’interroger sur les tendances sociales à l’œuvre dans notre société. Pourquoi le couple et la famille ne sont-ils plus regardés comme coopération de l’homme et de la femme ? Pourquoi le besoin de l’enfant est-il si mal pris en compte ? Pourquoi la recherche des satisfactions individuelles met-elle à mal les liens qui nous unissent les uns aux autres et qui nous fondent comme personne ? Comment maintenir ce qui nous unit ?
Ce que remet en cause la « PMA pour toutes », c’est ni plus, ni moins, la filiation. Dès la naissance, deux adultes sont désignés légalement comme ses parents. Seuls, ces deux adultes pourront exercer l’autorité parentale sur leur enfant, et en seront responsables jusqu’à sa majorité. Ainsi le déclare l’article 371-1 du code civil, lu lors de la célébration d’un mariage.
Car, la filiation, c’est l’engagement des parents à l’égard des enfants, par ancrage dans la filiation biologique, puisque la procréation est liée à la dualité des sexes. C’est même la seule fonction humaine où la coopération de l’homme et de la femme, via leurs gamètes, est nécessaire. Dès lors, l’établissement de la filiation doit en tirer toutes les conséquences. Ainsi, le droit de la famille ne peut ignorer l’indivisibilité des filiations maternelle ET paternelle et doit même l’intégrer dans les différents aspects de la filiation. Ces aspects, quels sont-ils ?
L’aspect biologique est le constat de la dualité des sexes dans la reproduction. L’aspect juridique se traduit par l’inscription de l’enfant à l’état civil, pour lui donner un nom et nommer ses parents qui seuls détiendront l’autorité parentale. Inscription automatique par présomption de paternité (le père est le mari de la mère), ou par reconnaissance, en l’absence de mariage. L’aspect symbolique ou psychique se réfère à la croissance et au développement psychique de l’enfant. Il a besoin de s’imaginer comme « fils de… » ou « fille de… », c’est-à-dire comme étant « l’enfant » de deux adultes qui l’ont enfanté, (ou qui auraient pu l’enfanter, en cas d’adoption) comme l’enfant d’un homme ET d’une femme que le droit désigne comme ses parents, père ET mère. L’aspect social concerne l’exercice de l’autorité parentale et l’éducation.
L’enfant a besoin de clarté pour construire sa vie d’enfant puis devenir une personne libre et responsable. Pour que la filiation soit intelligible, celle-ci doit être plénière, complète, cohérente et vraisemblable.
Bien évidemment, la filiation biologique n’est pas le tout de la filiation. Ce qui donne du sens à la filiation, c’est l’articulation entre tous ces aspects. Car c’est elle qui permettra de répondre à l’intérêt de l’enfant, c’est-à-dire à ses besoins, au-delà de ses besoins matériels.
C’est bien la crédibilité de la filiation de l’enfant qui est en jeu. Il est crédible pour l’enfant que cet homme et cette femme, que le droit désigne comme ses parents, sont bien « son père et sa mère ». Il est, en revanche, inconcevable pour un enfant, de lui désigner comme « ses parents » deux personnes de même sexe, quelles que soient les circonstances de la vie de ces deux adultes.
Les lois bioéthiques peuvent-elles généraliser l’invraisemblance et l’incohérence ? Si une telle loi était votée, le droit de la famille admettrait qu’un enfant puisse être privé délibérément de son père (PMA) ou de sa mère (GPA) et que ceux-ci soient remplacés par un autre adulte de même sexe que son premier parent. L’intérêt supérieur de l’enfant, mais aussi ses besoins pour grandir, oblige à réaffirmer la cohérence de la filiation et le droit de l’enfant à avoir un père et une mère, pour le bien de l’enfant lui-même, le grand oublié du débat.
Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ne s’y est pas trompée. La filiation pourrait devenir un véritable imbroglio juridique : filiation spécifique aux couples de femmes ? Filiation spécifique aux couples faisant appel à un don de gamètes ? Reconnaissance d’une présomption de maternité intentionnelle ? Toutes ces combinaisons n’auraient pour conséquences qu’un brouillage de repères dont l’enfant n’a nullement besoin.
Dans ce débat, il nous faut prendre la « PMA pour toutes » pour ce qu’elle est : le signe d’une révolution anthropologique. L’homme est en effet le grand absent de la procréation. La liberté et l’autonomie des femmes justifieraient l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, nous dit le Comité consultatif national d’éthique. Cependant, il restait la filiation comme lien incontournable de l’homme et de la femme, du père et de la mère. Les progrès de la médecine procréative ont fragilisé ce lien : plus besoin de relations sexuelles pour procréer, plus besoin d’un homme pour qu’une femme devienne mère. Victoire des féministes radicales qui ont rejeté l’homme de leur horizon pour éviter tout retour à une société patriarcale.
C’est admettre l’idée que l’homme est réduit à un donneur de gamètes. Absents des questions de procréation, les hommes n’ont plus leur place comme pères de l’enfant. Est-ce vraiment cette société que nous voulons ? Une société où les parents seraient réduits à un rôle social ? Une société où la procréation artificielle deviendrait le mode ordinaire de la procréation pour répondre à tous les désirs d’adultes ?
Cette révolution anthropologique est bien le révélateur d’une société qui refuse le réel comme limite à ses désirs, puisque les lobbys qui sont à la manœuvre demandent à la loi de corriger ce qu’ils dénient à la nature.