Oui, Monsieur le président, le père est « forcément » un homme

Christian Flavigny*, pédopsychiatre, psychanalyste, membre du groupe de travail Famille de l’Institut Thomas More

13 février 2020 • Opinion •


Usurper le sens des mots pour défendre une loi qui viole les besoins fondamentaux de l’enfant est plus qu’une faute, c’est une forfaiture.


Valeurs actuelles a rapporté sur son site Internet que vous contestez, Monsieur le Président, que « le père soit forcément un mâle », vous appuyant sur les propos réducteurs du psychiatre pour adulte Boris Cyrulnik ; permettez-moi de vous expliquer votre erreur, qui porte sur le sens des mots. Le père est nécessairement un homme et, de plus, un homme qui a été un garçon dans son enfance. Cette condition « d’être un homme » n’est pas suffisante mais elle est nécessaire ; toute personne qui prétendrait être « le père » sans répondre à ces critères le serait à faux, dès lors que l’approche s’accorde à privilégier le regard de l’enfant sur ce qu’est pour lui “un père”, ce qui est essentiel.

La fonction de père, au sens humain du terme, est de transmettre à ses enfants le principe de la paternité. Ce principe ne peut être résumé à un rôle social, celui de partager sa vie avec la mère (ainsi le beau-père, s’il peut jouer un rôle éducatif auprès de l’enfant, n’est pas son père), ni au rôle biologique de contribuer par l’apport de spermatozoïdes (le père peut être le géniteur, mais le géniteur ne fait pas le père ; en témoigne l’adoption), ni au fait de porter sur sa carte d’identité l’identification au sexe masculin (une personne née fille mais ayant obtenu un changement de sexe à l’état civil, ne peut être père au sens psychique, même s’il peut jouer avec profit pour un enfant le rôle de tuteur).

Être le père, au regard de l’enfant, comporte deux conditions. La première : avoir partagé avec la mère le pouvoir procréateur, qui résulte du don d’incomplétude fait d’un sexe à l’autre, don qui porte la venue de l’enfant et que celui-ci aspire à incarner ; autrement dit être celui qui avec la mère a fondé pour l’enfant son originaire. La deuxième : transmettre à son enfant d’avoir été le fils de son propre père, déléguant à son enfant le temps de l’enfance, affrontement à la finitude personnelle ; cette transmission est essentielle car elle instaure le principe de régulation du lien parent-enfant, ce que l’on appelle les interdits familiaux de l’inceste et du meurtre.

L’actuelle loi de bioéthique s’autorise à oublier ces fondements anthropologiques. Elle valide la privation essentielle qui serait faite à l’enfant qui serait privé de père par la loi, affectant que la place de père pourrait être compensée ; or une autre femme, compagne ou même socialement « épouse » de la mère, peut jouer un rôle de relais maternant, mais elle ne peut en toute rigueur des mots qu’être désignée cotutrice de l’enfant, et non pas « co-mère ». Quant au géniteur dont la levée de l’anonymat prétend faciliter la connaissance à l’enfant, celle-ci ne fera aucune réponse à la carence de père que la parole collective aura validée.

L’actuelle loi est donc fallacieuse car elle est sans signification accessible pour une psyché d’enfant ; pour lui, il n’y a « sa mère » que s’il y a « son père » : les places symboliques s’inter-définissent mutuellement. Les considérations sociales (absence fréquente des pères, femmes élevant seules les enfants, etc.) sont certainement à prendre en considération et à accompagner ; le faire en usurpant le sens des mots dans les lois est une insigne violence à l’égard de l’enfance et de ses besoins fondamentaux, c’est une tromperie à l’égard des générations à venir. Déconstruisant les fondamentaux, préparant une société déstabilisée, la loi de bioéthique n’est pas progressiste mais profondément délétère.

 

* Auteur de Le débat confisqué : PMA, GPA, bioéthique, genre,#metoo…, Salvator, 2019