27 juillet 2020 • Opinion •
Alors que le projet de loi de bioéthique revient en seconde lecture à l’Assemblée nationale à partir de lundi, Christian Flavigny, pédopsychiatre, psychanalyste, membre du Groupe de travail Famille de l’Institut Thomas More et auteur de Le débat confisqué. PMA, GPA, bioéthique, genre, #metoo (Salvator), en dénonce les dangers.
Le « gouvernement de bon sens », à peine promu par Jean Castex, inaugurera-t-il son mandat par une loi folle ? La folie, c’est lorsque les mots sont déconnectés du réel, c’est lorsque le sens s’affranchit d’un arrimage à la réalité : elle déploie alors les désirs sans limite et sans fin, mais non sans risque.
La folie est recouverte par les bonnes intentions : la loi bioéthique plaide en faveur de l’accueil des familles dans la diversité de leur composition mais aboutit à dissoudre la notion même de famille dans sa fonction essentielle d’inscrire l’enfant dans sa raison d’être au monde. Le législateur prétend donner ainsi toute sa place à l’« amour » et, certes, il n’est pas de composition familiale plus propice que d’autres pour le dispenser. Mais l’amour ne suffit pas à arrimer l’enfant à son destin de petit humain : il y faut la cohérence d’un lien filiatif nouant entre les parents et l’enfant la logique de son enfantement.
Le législateur estime que l’enfant peut bien s’en dispenser. Il plaque des désignations dans la seule cohérence des réclamations des adultes, reconnaissant ainsi « co-mères » deux femmes en union de même sexe, comme si cela permettait d’éluder la carence de père, ce qui est possible pour les adultes mais inconcevable pour l’enfant, privé du socle d’une relation d’enfantement crédible. Cela, tout l’amour du monde ne pourra jamais le compenser pour lui. Et cette atteinte portée à cet enfant rejaillit sur tous les autres enfants, puisque validée par la décision collective des lois : c’est le lien entre tous les parents et tous les enfants qui est disqualifié.
Le législateur commet par là un triple dévoiement de sa fonction. D’abord, la loi truque le sens des mots : le terme de « mère » n’est applicable que depuis une relation à un homme devenant par la relation d’enfantement le « père ». Le législateur serait, à la rigueur, légitime à désigner des « co-tutrices » mais non pas des « mères », terme qui n’a de sens que depuis le regard de l’enfant désignant « son père » et « sa mère » comme ceux l’ayant enfanté depuis le partage de leur incomplétude sexuée.
Ensuite la loi déséquilibre l’intérêt général. Se contenter d’arguer que les unions homme-femme pourront continuer à avoir des enfants à leur manière, n’empêche pas que la loi invalide la fonction d’enracinement à son histoire familiale et personnelle qu’établit pour l’enfant une cohérence de son enfantement. La loi la disqualifie « pour tous » et crée l’errance filiative comme principe de la venue au monde des enfants. Les conséquences en sont prévisibles et redoutables, autant pour certains enfants dont le désarroi ne trouvera d’issue que dans des incidences sociales violentes, que par le relâchement même du lien social qu’elles constituent.
Enfin le législateur use d’arguments qui ridiculisent la fonction législative. Ainsi quand le remboursement par l’aide médicale de la « PMA pour toutes », authentique dévoiement de la fonction collective de l’Assurance Maladie, est plaidé à la raison du fait qu’il profiterait à des unions homme-femme dont la stérilité ne serait pas prouvée : comme si une approximation, voire même un abus pour autant qu’il aurait été constitué, justifiaient que les lois surenchérissent sur le bafouement des principes.
« Gouvernement de bon sens » en lutte contre le communautarisme ? À peine envolées les pompeuses déclarations, le gouvernement donne une bien piètre image de ses résolutions. Il dévalue un peu plus le rôle de l’État. Après cela, il deviendra encore un peu plus difficile de demander aux jeunes de respecter les lois.