17 décembre 2020 • Opinion •
S’il est un secteur du système électrique qui se distingue par une recherche intense et fructueuse dans le monde, c’est bien celui du nucléaire civil. Les innovations y sont constantes et ouvrent la voie à des sauts technologiques ce qui est loin d’être le cas pour le renouvelable intermittent.
Les réponses données par la Ministre Van der Straeten lors de son interview, publiée dans la Libre Belgique du week-end des 12 et 13 décembre, appellent plusieurs commentaires. S’il est un secteur du système électrique qui se distingue par une recherche intense et fructueuse dans le monde c’est bien celui du nucléaire civil. Les innovations y sont constantes et ouvrent la voie à des sauts technologiques ce qui est loin d’être le cas pour le renouvelable intermittent.
Prétendre dès lors, comme le fait la Ministre, que « le nucléaire est une énergie du passé », est faire preuve d’une grande ignorance. La Ministre affirme ainsi que « la sortie du nucléaire n’est pas un but mais un moyen pour réussir la transition énergétique ». Ah vraiment, voyons cela de plus près ! La production d’électricité nucléaire n’émet pas plus de gaz à effet de serre que celle du renouvelable intermittent, c’est de notoriété publique, elle n’est pas intermittente et la construction des réacteurs nécessitent quasi-exclusivement des matériaux largement disponibles sur le marché.
En revanche, la fabrication des éoliennes ou des panneaux photovoltaïques consomme d’importantes quantités de métaux et de terres rares. Les minerais qui en contiennent sont mal distribués géographiquement (plus de 90% des gisements de terres rares se trouvent en Chine) et leur concentration en matériaux rares est très faible ce qui constitue, à terme, un risque d’approvisionnement et donc une menace potentielle pour l’industrie du renouvelable intermittent. De plus, l’extraction et le traitement de la plupart de ces métaux sont extrêmement polluants et utilisent des produits hautement toxiques, entre autres, en Afrique et en Chine où les conditions de travail sont particulièrement pénibles.
Ce qui précède suggère que la transition électrique, avec une production essentiellement éolienne et photovoltaïque, n’est pas aussi durable que le prétend la Ministre et bien moins propre, tant en amont du cycle (extraction et traitement de métaux spécifiques extrêmement polluants) qu’en aval (déchets non recyclables, fondations massives en béton qui ne seront pas évacuées après arrêt définitif des éoliennes, etc.)
Qu’en est-il de l’avenir du nucléaire civil ?
La quatrième génération de réacteurs nucléaires, en cours de développement, produira une énergie électrique durable, régénérant le combustible au sein même des réacteurs et recyclant les résidus nucléaires. Les déchets nucléaires seront considérablement réduits et leur traitement et entreposage sont hautement sécurisés comme c’est, d’ailleurs, déjà le cas aujourd’hui. Après démarrage, ces réacteurs consommeront essentiellement de l’U-238 (matériau fertile mais non radioactif) disponible pour de nombreux siècles dans les conditions de production électrique de nouvelle génération. Tout ceci devrait militer en faveur d’une extension de la durée de vie de centrales nucléaires existantes les plus récentes jusqu’à la commercialisation des réacteurs de quatrième génération.
Quant au MRC (Mécanisme de Rémunération de Capacité), la seule question qui se pose est de savoir quand et à quel prix il sera fixé. Ces considérations temporelles (décision rapide) et financières (montant suffisamment élevé pour rentabiliser l’investissement) sont primordiales. Si une de celles-ci faisait défaut en cas de sortie totale du nucléaire en 2025, l’équilibre du système électrique belge ne pourrait être réalisé à cette échéance, les importations d’électricité étant illusoires lors des pointes de consommation (1).
À ce propos, la Commissaire Vestager aurait beau jeu de faire valoir que la question du MRC est née de la sortie du nucléaire alors qu’il suffit, horresco referens, de prolonger la durée de vie de quatre unités de 1000 MW (les unités les plus récentes) (2) pour ne pas devoir construire de nouvelles centrales à gaz et donc ne pas devoir accorder des subventions supplémentaires.
Répéter à satiété que les éoliennes et les panneaux photovoltaïques sont de moins en moins chers n’est rien d’autre qu’un subterfuge escamotant les coûts indirects liés à l’intermittence.
Répéter à satiété que les éoliennes et les panneaux photovoltaïques sont de moins en moins chers n’est rien d’autre qu’un subterfuge escamotant les coûts indirects liés à l’intermittence (stockage, renforcement des réseaux, équilibrage des réseaux, etc.).
D’autre part, le fait de faire passer les investissements dans le renouvelable intermittent des sociétés d’électricité propriétaires de centrales à gaz et/ou candidates à la construction de nouvelles unités, comme le fruit d’un engouement écologique soudain, est un leurre. Leur politique serait tout autre si ces sociétés ne bénéficiaient pas de subventions et autres avantages financiers et fiscaux très généreux. Toute entreprise doit faire des bénéfices pour assurer sa pérennité et procéder aux investissements requis.
D’ailleurs, pour que les projets « renouvelables » précités se perpétuent, il faudrait que les avantages divers et variés qui y sont associés puissent être maintenus dans le temps long ce qui pourrait s’avérer compliqué alors que les États membres (à l’exception de l’Allemagne) font face à un gonflement inquiétant de leur dette susceptible de les priver de moyens financiers suffisants. En outre, les actions juridiques contre les éoliennes et contre les parcs de panneaux photovoltaïques, au motif de nuisances diverses, se multiplient et pourraient en empêcher l’installation vu que les jugements sont souvent prononcés en faveur des contestataires.
Enfin, la ministre oublie de préciser, Ô subtile omission, que la création d’emplois en Belgique générée par le renouvelable intermittent ne compense pas, tant s’en faut, les pertes d’emplois résultant de la fermeture des centrales nucléaires, non seulement chez Engie mais également, et peut-être surtout, chez ses fournisseurs ainsi qu’au sein de bureaux d’études et autres entreprises concernées.
La pression sur l’emploi dans le secteur des éoliennes et du photovoltaïque, risque de s’aggraver avec la concurrence croissante de la Chine sur le marché des composants et des assemblages de ceux-ci ainsi que sur celui des installations clés sur porte.
Notes •
(1) Voir Jean-Pierre Schaeken Willemaers, L’utopie du tout-renouvelable, Académie royale de Belgique, 2017.
(2) La prolongation de Tihange 2 et Doel 3 avait été rejetée à l’époque en raison de la présence de microbulles d’hydrogène dans les cuves des réacteurs de ces unités. Cette décision n’est pas justifiée vu que la dimension de ces microbulles n’a pas évolué depuis la construction de ces réacteurs et donc les microbulles ne présentent pas de risques.