28 janvier 2021 • Entretien •
L’année 2020 s’est mieux terminée sur le front du chômage en France. Au quatrième trimestre de 2020, la Dares indique que le taux de chômage en catégorie A a baissé de 2,7%. En revanche, sur toute l’année dernière, le chômage, toujours en catégorie A, a augmenté de 7,5%. Que penser de ces chiffres ? La situation des entreprises est-elle en train de se dégrader ?
Mercredi 27 janvier, le département statistique du ministère du Travail a annoncé que le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A a baissé de 2,7% au cours du quatrième trimestre 2020. La reprise économique s’annonce-t-elle enfin avec une telle déclaration ou ces chiffres sont-ils en trompe l’œil ? Que penser de ce chiffre au vu de ceux de l’année 2020 ?
Sur l’année 2020, la DARES (qui a des statistiques sur les créations et destructions d’emplois plus fines que l’INSEE ou Pôle Emploi, mais ne calcule pas le taux de chômage) annonce une augmentation de 7,5% du nombre de demandeurs d’emplois en catégorie A mais avec une baisse lors du quatrième trimestre. Toutes catégories confondues, cela représentait en moyenne au dernier trimestre 2020 près de six millions de demandeurs d’emplois et trois en catégorie A. On peut donc estimer le taux de chômage à 10% à la fin de l’année 2020.
Ce qui est certain, c’est qu’il y a eu, au troisième trimestre, une nette amélioration après le déconfinement et l’été, mais comme toujours en France on n’en a pas vu l’effet avant le début du dernier trimestre, en octobre. Mais on sait aussi, et on le verra lors des prochaines annonces de statistiques, que le dernier trimestre avec le second confinement sera mauvais (sans parler du potentiel troisième confinement pour le premier trimestre 2021).
En d’autres termes, cette amélioration ne nous renseigne que sur le rebond de la rentrée. De manière générale, oui, le chômage partiel, qui coûte cher à la collectivité, occulte la vraie situation du marché du travail. Le gouvernement espère que quand il déphasera le dispositif progressivement, le déconfinement définitif reprendra le relais avec un fort rebond de l’emploi. L’enjeu est d’éviter une statistique officielle du chômage par trop déprimante. Mais comme je l’ai dit plus haut, avec les excellents rapports de la DARES, on peut le reconstituer : nous sommes déjà au-delà des 10% aujourd’hui fin janvier 2021, même si la dernière statistique est de 9,2%.
Avec les mesures prises actuellement, la situation des entreprises se dégrade-t-elle ?
Avec le chômage partiel, je doute que le chômage aille au-delà de 11% officiellement. Mais ce chiffre, à l’aune de l’échec français en la matière depuis quarante ans, est assez désespérant. Emmanuel Macron aura récupéré un pays avec un taux de chômage à 9,2%, aura présidé à une baisse d’un point grâce à la forte croissance de 2017, pour finalement finir son quinquennat à un niveau à la François Hollande ! Le bonnet d’âne n’est pas loin.
Toutes les entreprises ne touchent pas des aides, du fait de dossiers compliqués à monter (preuve de baisse de chiffre d’affaires), et nombre d’aides prennent la forme de prêts (les fameux prêts garantis par l’État, PGE) qu’il faudra rembourser ou restructurer un jour. Ce que je crains, c’est que l’économie française ne traîne ces problèmes pendant de longues années. Dans d’autres pays, 2021 s’annonce comme une année de fort rebond. En France, on commence à comprendre que 2021 sera d’une certaine manière plus compliquée que 2020, car masquer les problèmes devient de plus en épineux, même avec une pandémie qui se poursuit. Par ailleurs, n’oublions jamais que nos entreprises ont abordé la crise en situation de faiblesse : au dernier trimestre 2019, avant le Covid, la croissance était de – 0,1% dans notre pays.
Le gouvernement pense limiter la casse sociale avec le chômage partiel. Pourtant les indépendants n’ont aucun moyen de pouvoir stabiliser la situation. Auto-entrepreneurs, indépendants ou chefs d’entreprise sont-ils les grands absents des chiffres officiels et les plus grands perdants de cette crise ?
En théorie, les indépendants ont eu droit aussi à des aides en 2020, mais elles ont tardé à venir. En Allemagne par exemple, dès avril, sans aucune condition, une aide pouvait être perçue : de 9 000 euros au niveau de l’État fédéral, de 5 000 euros du côté des Länders. La première génération d’aides en France n’a pas bien fonctionné : il fallait justifier d’une baisse de chiffre d’affaires de 70% (dans certaines activités comme le conseil, ce n’était pas le bon indicateur à regarder), donc avoir au moins deux exercices comptables (ce qui excluait de facto les entrepreneurs récemment à leur compte).
En réalité, on a assisté à une sorte de fragmentation du marché de travail : les salariés des grandes entreprises et les fonctionnaires n’ont probablement pas conscience de la gravité de la crise, dont l’essentiel du poids a reposé sur les entrepreneurs. Sur le court terme, avec la détérioration du marché du travail, les créations d’entreprises se portent bien (il faut bien se réinventer). Mais la grande leçon du Covid, ce sera qu’il vaut mieux être salarié ou fonctionnaire qu’entrepreneur pour survivre en temps de crise. C’est là une conséquence inattendue qui n’augure rien de bon pour la suite de la décennie et l’économie française.