18 février 2021 • Opinion •
Consacrer une part importante des moyens du plan de relance à l’énergie et, en particulier à l’énergie électrique, est en soi une bonne décision, pour autant que celle-ci soit bon marché et qu’elle soit disponible en tout temps. Or, le plan de relance annoncé par la ministre de l’Énergie Tinne Van der Straeten (en savoir +) est avant tout vert et digital, c’est-à-dire que, d’une part, la production d’électricité sera toujours plus intermittente et que, d’autre part, l’activité économique requerra plus d’électricité bon marché, sans interruption d’approvisionnement, précisément à cause de la numérisation croissante. Dans le cadre d’un mix électrique sans nucléaire, la seule manière de compenser l’intermittence est, pour l’instant, de recourir aux centrales à gaz, le stockage d’énergie étant loin d’être satisfaisant tant d’un point de vue économique qu’opérationnel. La compensation thermique est efficace mais onéreuse et contraire aux objectifs du Green deal. Quant à un stockage performant et bon marché, il est un pari sur l’avenir alors que les besoins sont immédiats.
L’hydrogène serait éventuellement une solution de nature à plaire aux partisans du Green deal à condition que l’électrolyseur soit alimenté par de l’électricité décarbonée, comme celle provenant d’éoliennes ou de panneaux photovoltaïques. Le problème est que l’hydrogène vert est environ trois fois plus cher que celui produit à partir de méthane.
Parviendra-t-on, dans un avenir prévisible, à en réduire le coût pour le rendre compétitif et à résoudre les sérieuses difficultés liées à son exploitation en tant que combustible ou pour le stockage d’énergie ? Le tout n’est pas de produire de l’hydrogène, encore faut-il générer de l’électricité à prix compétitif. La pile à combustible le permet-elle ? En fait, les résultats de recherches et des expérimentations effectuées jusqu’à présent affichent des coûts beaucoup trop élevés. La réalité de ces derniers s’impose également pour l’utilisation de l’hydrogène vert comme matière première de processus industriels, notamment chimiques.
Gageons que les industriels ne vont se précipiter pour acheter une énergie aussi chère, à moins d’être largement subventionnés dans la durée (ce qui contrevient à une saine gestion économique), et en faire payer le prix par la dette ou l’impôt donc finalement par les contribuables. Une économie sous perfusion financière permanente n’est pas vraiment un modèle d’avenir !
En ce qui concerne les investissements liés à l’énergie dans le plan de relance, faut-il se réjouir, voire être fier, comme le clame Madame Van der Straeten, que 57% de ceux-ci soient verts alors que l’Europe en impose seulement 37% ? Au lieu d’être allouée à une amélioration des performances du système électrique, une part des investissements précités servira à corriger des défauts, dont l’intermittence, inhérents aux productions éolienne et photovoltaïque. Le renforcement et la construction de nouvelles infrastructures, dépenses d’autant plus lourdes que la pénétration du renouvelable intermittent est plus élevée, en font partie.
La boucle du Hainaut, liée à la sortie du nucléaire, en est un bel exemple. Cette nouvelle liaison électrique permettrait de faire transiter l’électricité de la France et des éoliennes de la mer du nord vers le nord et l’est de la Belgique où sont situées les centrales nucléaires et de gros consommateurs.
Le zèle « vert » de la ministre de l’énergie ne risque-t-il pas d’affaiblir l’économie belge par rapport aux pays qui ne se sont pas aventurés dans une politique aussi outrancière et qui ont préféré consacrer les moyens financiers ainsi économisés, par exemple, à la réindustrialisation et au développement de nouvelles technologies ?
Quant à la sortie du nucléaire et à la pénétration croissante du renouvelable intermittent, elles rendent une augmentation de la capacité de centrales à gaz incontournable. Vu les incertitudes accrues liées, entre autres, à leur durée de fonctionnement et au prix de marché de l’électricité, c’est-à-dire à leur rentabilité, un mécanisme de rémunération de capacité (CRM) est indispensable.
Toutefois, il faut que l’approbation de la Commission européenne sur le mécanisme de soutien aux centrales à gaz intervienne bien avant octobre 2021, date des premières enchères. La rapidité de réponse de l’UE dépend du résultat de l’enquête sur le mécanisme de rémunération de capacité (CRM) que la commissaire européenne à la concurrence, Madame Vestager, a lancée fin septembre 2020. Le calendrier est serré !
Enfin, la ministre de l’énergie reconnaît que l’après-nucléaire suppose des importations d’électricité. « Il ne faut pas se le cacher », dit-elle. Il est question, si on se limite à la pointe de consommation, d’une capacité de 2000 MW, ce qui est loin d’être négligeable. Or les conditions météorologiques, par exemple une vague de froid en janvier ou février, sont généralement similaires en Belgique et chez ses voisins. Il est donc très probable que ceux-ci ne soient pas en mesure d’exporter la quantité d’électricité dont la Belgique a besoin à ce moment. C’est d’autant plus vrai qu’en 2025, certains d’entre eux seront totalement sortis du nucléaire comme l’Allemagne ou en auront réduit la capacité, et soit auront besoin de toutes leurs ressources électriques pour leurs propres besoins ou ne pourraient fournir que de l’électricité produite à partir de combustible fossile. De toute façon, la Belgique serait dans une position délicate : ou elle devrait recourir à des effacements de consommation ou faire une entorse à ses engagements climatiques.