11 mars 2021 • Entretien •
L’état-civil du Vaucluse a refusé le changement de prénom d’un petit garçon qui vit comme une fille. Si on peut comprendre la douleur que génère la situation, l’examen des conséquences des changements de sexe précoce à l’étranger incite néanmoins à la prudence.
Le procureur de la République de Carpentras a refusé le changement d’état civil de Lilie, enfant transgenre de 9 ans qui ne souhaite plus être appelée par son prénom masculin de naissance. La justice a-t-elle eu raison de lui refuser ce droit ? Son très jeune âge explique-t-il cette décision ?
Par cette décision, la justice française évite d’enfermer l’enfant dans une réclamation dont il ne mesure pas les enjeux. Mais il faut aller plus loin : le malaise de Lilie dans son corps doit être pris au sérieux. Mais qu’il ne parvienne pas à habiter son corps de garçon ne valide pas que son « véritable sexe » serait celui d’une fille. Un enfant ne parvient à s’inscrire dans son corps sexué qu’à la condition que diffuse le masculin depuis la relation à son père pour le garçon, le féminin dans la relation à sa mère pour la fille : l’identification au parent de même sexe est la clé pour qu’il s’approprie son corps propre. Or, elle est parfois compliquée pour peu que ne parviennent à se conjoindre les sentiments d’appartenance de sexe, ceux que le parent a pu ressentir dans son propre passé et ceux que ressent l’enfant, qui lui donnent l’impression de ne pas être l’enfant idéal, celui dont ils seront fiers. Un travail psychologique approfondi et attentionné vise à rétablir les identifications dans leur rôle.
Comment respecter la parole de l’enfant et répondre à son mal-être sans lui offrir des solutions trop radicales ?
La parole de l’enfant n’énonce pas une vérité sur lui-même. Elle est une adresse, une interpellation. La réclamation de changer de sexe est un message d’alerte et de désarroi : « je n’arrive pas à concilier le corps qui est le mien et mon désir ardent de combler mes parents au mieux de ce que j’imagine être en mesure de les satisfaire ». Les parents sont sincères dans leur souhait d’accompagner leur enfant dans son épanouissement ; leur rôle est délicat puisque la seule « recette » pour élever son enfant est de puiser aux souvenirs de l’enfant qu’ils furent jadis. L’aide psychologique les associe dans la compréhension de ce qui se passe pour leur enfant afin qu’ils décryptent le message d’alerte : cela soulage la souffrance de leur enfant et évite qu’elle se détourne vers le mirage d’un changement corporel.
Certains pays anglo-saxons ou nordiques sont allés bien plus loin que la France sur ces questions de genre. Quelles leçons peut-on tirer de ce qu’il s’y est passé ? Quels sont les retours d’expérience que nous avons des pays où des enfants ont transitionné à un jeune âge ?
Les pays anglo-saxons ou nordiques n’ont pas la compréhension du désarroi que témoigne un enfant disant vouloir changer de sexe ; c’est un fait culturel. Ils classent cet enfant dans la catégorie « dysphorie de genre », ce qui n’explique rien et détourne du désarroi qu’exprime l’enfant. Ils précipitent enfants et adolescents vers une médecine de transformation corporelle, faute de maîtriser la médecine de l’âme qui seule convient en âge d’enfance et d’adolescence. La justice britannique a récemment condamné cette orientation hâtive.
L’adulte peut-il assumer une décision de « transition » corporelle ? Encore convient-il qu’elle soit assez mûrie, donc tardive, pour éviter les regrets qui peuvent avoir un caractère dramatique ; les postures militantes tentent de le masquer, mais le sociologue Douglas Murray interroge à juste titre dans son dernier livre La grande déraison : « comment se fait-il que le taux de suicide ne varie pas chez les trans, avant et après l’opération ? »…