29 avril 2021 • Opinion •
Quand Keynes disait que tous les « hommes politiques appliquent sans le savoir les recommandations d’économistes morts depuis longtemps et dont ils ignorent le nom », il soulignait le décalage entre la pensée économique et des politiques engoncés dans les dogmes de la génération précédente. Or l’économie est une science vivante, décriée certes depuis son incapacité à prédire la crise de 2008, mais qui est le seul soubassement, avec l’expérience de terrain des entrepreneurs, à un programme économique crédible de gouvernement.
La droite française, qui a une tradition de bonne gestion, au confluent de ses inspirations orléanistes, conservatrices et bonapartistes, ne saurait céder à la pensée magique en économie, à la simple augmentation des minimas sociaux ou au renoncement sur la transformation de notre État providence. Disons-le simplement, elle ne débordera jamais Macron par la gauche en singeant un archaïque programme social-démocrate. Non seulement elle y perdrait toute crédibilité, s’aliénant son électorat naturel qui souhaite revenir au bercail après l’échec de l’expérience Macron, mais elle n’en a pas besoin : car dans le sérieux des propositions peut se bâtir un vrai programme alternatif, qui fasse preuve d’audace et d’imagination et qui soit véritablement transgressif et populaire.
Si l’économie n’est pas le lieu de la pensée magique, elle n’est pas non plus celui de la pensée unique. L’opposition entre libéral et social n’a aucun sens car les libertés sont au service de la prospérité, et ces libertés doivent d’abord servir nos classes moyennes, notre France périphérique, aussi celle des « gilets jaunes » qui doivent être la cible d’un programme économique de droite. Ce programme doit avoir un objectif politique et social, celui de recoudre une société en lambeaux, d’offrir un réel équilibre entre une meilleure protection pour plus d’autonomie, à rebours de l’assistanat préconisé par les progressistes.
Entre nostalgie sociale-démocrate et application trop disciplinée des recommandations de Bruxelles et du FMI, il y a toute la gamme des possibles pour poursuivre le bien commun. Pour ce faire, encore faut-il qu’une famille politique ou un parti soit capable de dialoguer avec la communauté des entrepreneurs, des chefs d’entreprises et des économistes. Que le dialogue passé ait été décevant, fait parfois d’incompréhensions, ne doit pas être une excuse pour rompre ce lien. Au lieu d’élaborer des lignes économiques irréalistes au sein de l’appareil des partis, la droite devrait travailler avec la société civile, les praticiens de terrain et les économistes, pour préparer un programme économique crédible de gouvernement.
De la réforme de l’État providence à la mise en œuvre des prochains plans d’investissements et de relance, de la nécessaire baisse du coût du travail et des impôts à la reprise gaullienne de la participation, de la dérèglementation de certains secteurs à une meilleure prise en charge de la pauvreté, la plupart des sujets ne correspondent pas à une chapelle de pensée économique (keynésienne, libérale, monétariste, etc.). Ces catégories n’intéressent d’ailleurs pas les acteurs pragmatiques de terrain et encore moins les économistes spécialisés en politiques économiques. Les politiques ne doivent donc pas les craindre : il leur appartient de travailler en symbiose et en amont avec ces acteurs, plutôt que de prétendre réinventer l’économie dans des réunions de sections de parti.