Retraites · Le choix de la croissance et de la liberté plutôt que celui de l’austérité

Sébastien Laye, chercheur associé à l’Institut Thomas More

8 juillet 2021 • Opinion •


Un sommet social rassemblant les syndicats et le patronat a débuté mardi 6 juillet au palais de l’Elysée lors duquel il sera question de la réforme des retraites. Pour Sébastien Laye, la coexistence d’un système de répartition et d’un système de capitalisation permettrait de sauver les retraites tout en irriguant l’économie.


Il est de ces sujets qui régulièrement affolent le landerneau médiatique et le petit monde politique, à rebours des préoccupations des citoyens. Au panthéon de ces thèmes, dans la sphère économico-sociale tout du moins, on retrouve de manière pérenne la question de la réforme des retraites. Marqueur politique indéniable, irréfragablement attaché à la volonté réformatrice de la droite, sempiternellement contesté par la gauche et ses dérivés révolutionnaires, cette question est un des pivots de notre clivage politique. Macron est successivement passé de gauche à droite sur le sujet, et malgré l’échéance électorale de 2022, ne paraît pas avoir abandonné toute idée de réforme, même si la réforme in fine présentée devrait être, comme trop souvent durant le quinquennat, la montagne qui accouche de la souris : assez pour subtiliser à la droite le mistigri réformateur qui excite tant un certain électorat, trop peu pour mettre des manifestants dans la rue et surtout pour vraiment assainir le problème des retraites.

Rappelons ici quelques vérités crues sur les équilibres économiques : en plus du défi démographique qui pèse sur les retraites (mais qui concerne aussi l’essentiel du reste de l’Europe, le Japon, et prochainement même la Chine et les États-Unis), c’est l’absence pérenne de cotisants en nombre et en montants qui déséquilibre nos régimes. Avec un vrai chômage (sans inactivité partielle ou contrats courts mais épisodiques) de 6% durablement, il n’y aurait plus de question des retraites. Seule la croissance et le plein emploi permettraient de restaurer les équilibres de notre système de retraites. Plutôt que de se focaliser régulièrement sur la réforme des retraites, nous devrions surtout avoir un mix de politiques économiques plus efficaces pour générer de la croissance et de l’emploi, et en particulier un redressement industriel nécessaire pour créer de vrais emplois qualifiés.

Les discussions récentes sur les retraites sont assez stériles du point de vue des économistes : certains, comme Tirole et Blanchard récemment, paraissent encenser un système universel à points, mais cette usine à gaz n’existe nulle part quand on tente d’observer les modèles à l’œuvre chez nos voisins. L’autre approche, celle traditionnelle de la droite en France et à laquelle Macron paraît se raccrocher après quatre ans de tergiversations, c’est de changer les paramètres de notre système de répartition actuel : repousser l’âge de départ à la retraite (une arlésienne qui nous fait gagner quelques années de survie d’un système archaïque à chaque itération), plus tard peut être diminuer les pensions ou faire cotiser plus. Macron repousserait ainsi l’âge de départ à la retraite à 64 ans dans un futur proche, alors que Xavier Bertrand promet un passage à 64 ans en 2030.

Or nous avons besoin, à la fois pour sauver nos retraites mais aussi pour financer notre économie et notre industrie, d’injecter plus de liberté dans ce système de retraites. Il est urgent de baisser le niveau des cotisations obligatoires sur les salaires et d’introduire un système mixte, comme dans les autres pays européens, et de permettre aux Français de se constituer une retraite par capitalisation : au lieu de stérilement mobiliser un euro pour quatre-vingt-dix centimes de retraite touchée (car il y a des coûts de gestion du système par répartition), il est temps d’investir non pas l’épargne (cela existe déjà et les Français les plus aisés se ruent sur l’immobilier ou les actions justement pour préparer leur future retraite tant ils doutent du système actuel !) mais bien une partie des salaires (et donc avant impôts) dans de la capitalisation.

La coexistence d’un système de répartition (qui assure une retraite aux plus modestes et une retraite plancher aux autres) et d’un système de capitalisation (qui tire profit des créations de richesse et permet à chacun d’ajuster son niveau souhaité de pensions) permettrait de sauver nos retraites tout en irriguant notre économie de cette manne financière : si aujourd’hui nos fleurons industriels partent à l’étranger, c’est aussi car aucun fonds de pension à la française n’existent et ne s’invitent au capital de nos sociétés. L’État s’épuise en tentant d’être au capital de ces entreprises stratégiques par le truchement de la BPI, mais la BPI n’est pas un fonds souverain avec une manne financière : il revient aux Français, aux différentes professions (en commençant par les professions libérales et indépendantes), de s’organiser en fonds de pension pour financer une partie de leurs retraites mais aussi pour prendre le contrôle de notre économie et de notre industrie, au plus près de leurs pensionnaires. Un souverainisme économique bien pensé ne peut faire l’économie d’un système de retraites ouvert à plus de liberté et de choix.