27 juillet 2021 • Opinion •
Christian Flavigny, qui vient de publier Aider les enfants « transgenres ». Contre l’américanisation des soins aux enfants (éd. Pierre Téqui, 2021), analyse une campagne gouvernementale qui entend s’attaquer à la transphobie.
Sans doute vaut-il la peine d’interroger, avec un peu de recul, une campagne gouvernementale qui s’est répandue dans la presse et par affichage publicitaire, montrant une grand-mère serrant avec ferveur dans ses bras une jeune fille – que l’on ne voit pas – à la raison que « ma petite-fille est trans ».
Sous couvert de plaidoyer pour l’acceptation des différences, son message oscillait entre l’indécence et l’aberration. Il accrédite, dans un discours public validé et financé par la collectivité nationale, une compréhension fausse de ce qui se passe pour des enfants et des adolescents qui se sentent mal dans leur peau de garçon ou de fille : ils seraient « transgenres », autrement dit seraient victimes de ce que la culture américaine considère comme une erreur de la nature ayant mis une âme de garçon dans un corps de fille, ou vice-versa.
Discours en vogue aux États-Unis
Or, c’est entretenir ces jeunes dans le leurre d’une « transidentité », leur faisant miroiter une « transition » vers le rivage opposé de l’autre sexe qui dissiperait leurs tourments. Que ce discours soit en vogue aux États-Unis traduit le manque de recul de la culture américaine sur les questions psychologiques, qui les gère donc en classifiant ces enfants comme s’ils étaient frappés d’un mal étrange et vaguement fascinant, les livrant aux mirages d’une médecine supposée libératrice.
C’est ignorer ce que montre la culture française : ces enfants et adolescents ne sont pas une catégorie singulière qu’il faudrait par conséquent « ne pas discriminer ». Ce sont des jeunes en profond désarroi dans l’appropriation de leur identité sexuée. L’approche psychologique française dispose des outils pour comprendre qu’ils souffrent de démêlés qu’affrontent tous les enfants pour s’établir dans l’évidence d’être soit fille, soit garçon, mais que leur situation personnelle leur rend plus en peine d’établir. Et par conséquent, ils envoient aux adultes un message d’alerte qui exprime leur difficulté à habiter leur propre corps. Cette approche permet de les accompagner dans une démarche authentique, qui associe leurs parents et vise un soulagement de leur malaise et non le leurre d’une transformation dont ils ne mesurent pas les enjeux.
Les pionniers des opérations de « transition » moins assurés
La campagne publicitaire du gouvernement français aurait peut-être sa pertinence auprès des grands-mères américaines. Outre-Atlantique, on appose des étiquettes et on catégorise sur des critères de forme et de comportement, faute d’une compréhension sur le fond des désarrois d’enfants et d’adolescents.
On notera d’ailleurs que l’engouement des pays qui se sont voulus pionniers des opérations de « transition » est aujourd’hui moins assuré. En France, la culture approfondie permet d’éviter les appréciations réductrices, cantonnées à la forme. C’est pourquoi la société française est historiquement tolérante à l’égard de la variété des sentiments et des options de vie sexuelle.
Souscrire à l’approche américaine qui plaque sur les tourments psychoaffectifs des jeunes l’utopie d’une restauration artificielle, c’est de la part des autorités publiques françaises un affront à l’égard de la population du pays. Les grands-mères françaises n’ont pas attendu les propos moralisateurs du gouvernement pour chérir leurs petits-enfants sans considération aucune de leurs modes de vie, se faisant plutôt les confidentes de leurs tourments éventuels. C’est en outre une véritable trahison de la culture française, confirmation atterrante du discrédit dont sont frappées les élites, fascinées par l’américanisation des mœurs dont elles importent par conséquent en France les manières et les maux.