28 septembre 2021 • Entretien •
Alors que les emplois non pourvus se multiplient, Jean Castex a dévoilé son plan contre le chômage de longue durée. Pour Sébastien Laye, la formation et le durcissement de la rémunération sont insuffisants pour réellement s’attaquer à ce chômage structurel.
Le plan présenté par Jean Castex aux Échos pour réduire le chômage se concentre en particulier sur celui de longue durée. Quelles sont les causes de ce dernier et quel pourcentage représente-t-il ?
Sur les 6 millions de personnes inscrites à Pôle Emploi, 2,86 millions le sont, au dernier pointage en juin, depuis plus d’un an. Il s’agit de la définition statistique du chômage de longue durée.
Vous remarquerez qu’on nous parle beaucoup des emplois qui ne trouveraient pas preneurs sur le marché, mais ces derniers sont estimés à 1 million, donc à un gros tiers seulement des chômeurs de longue durée. Cela signifie donc que le chômage de longue durée s’est massivement installé dans notre pays pour une certaine frange de la population, et ce depuis longtemps. La nouveauté est plutôt que les emplois non pourvus, qui pourraient être alloués en priorité aux chômeurs de longue durée, se concentrent sur certains métiers durement affectés par la pandémie (d’où un goulet d’étranglement en termes de formation) : aide à la personne , soin aux personnes âgées, métier de la restauration, du bâtiment ou emplois liés à la transformation numérique.
Ce chômage de long terme est la part structurelle de notre sous-emploi, que nous avons du mal à abaisser. Il est le taux de chômage qui ne peut s’expliquer par l’insuffisance de l’activité économique, mais plutôt par des freins tels que des prélèvements trop élevés sur la croissance, une absence de concurrence, une absence de flexibilité du marché du travail et de réactivité des salaires à la croissance.
La priorité du gouvernement semble être la reconversion et la formation. Est-ce la bonne approche pour réduire ce chômage de longue durée ?
Dans les causes du chômage structurel de long terme, on cite en effet parfois l’éducation et des freins liés à la formation inadéquate des individus. Mais il convient de relativiser l’emphase mise par Macron sur ce sujet de la formation depuis quatre ans : d’abord, pour les économistes, la formation initiale joue le rôle le plus important et tous les classements tels que PISA montrent un décrochage flagrant de la France. Une formation courte chez Pôle Emploi ne résout pas l’absence de maîtrise des fondamentaux du savoir par la force de travail.
Ce levier ne me paraît donc pas le plus pertinent, d’autant plus que Macron n’a pas réussi à faire de vraie réforme de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Il y a peut-être un angle spécifique lié à la crise, une demande momentanément très forte dans certains secteurs où on peut rapidement former des chômeurs (par exemple la restauration) mais ce n’est pas la panacée pour réduire durablement le chômage de long terme.
Jean Castex a également annoncé un durcissement des règles de rémunération. Quel est l’objectif d’une telle mesure ?
À dire le vrai, la réforme de l’assurance chômage ne va pas changer la donne en matière de droit du travail ou de formation : son contenu est assez décevant et ne correspond pas à la grande réforme promise.
Elle a cependant – comme la réforme avortée des retraites – un dessein inavoué, celui de faire des économies dans la gestion de l’assurance chômage. Si les nouvelles règles de rémunération sont mises en œuvre, nous devrions économiser dès 2022 trois milliards par an. Le véritable enjeu de cette réforme est donc caché, et il a trait in fine aux grands équilibres financiers et comptables du régime de l’assurance chômage. Nous pourrions même aller plus loin en matière d’indemnisation des cadres et de refus de postes et atteindre les 5-6 milliards d’économies en vitesse de croisière avec un peu plus de volonté politique.
Le refus unanime des syndicats peut-il menacer la mise en place de la réforme ?
Non, ces derniers n’ont plus aucune représentativité et poids dans le pays réel. Ce sujet ne va pas mobiliser les troupes comme celui des retraites et objectivement, seuls les cadres auraient des raisons de combattre ces mesures, car ils en seront les grands perdants (mais n’ont pas la même tradition de revendications sociales).
Le pays est sonné par la crise, en précampagne politique, il ne se mobilisera pas pour un tel sujet. Macron donnera probablement des garanties aux syndicats dans la gestion de l’assurance chômage : si les citoyens seront plutôt perdants in fine, gageons que les syndicats sauront négocier leur position dans l’assurance chômage et accroître leur influence financière, contre une acceptation de la réforme.
Emmanuel Macron joue-t-il son image de réformateur sur ce plan ?
Je ne le crois pas. Le véritable marqueur en la matière est la réforme des retraites, abandonnée sine die. Par conséquent, la question de l’assurance chômage permet de rassurer certains acteurs sociaux, mais je doute qu’elle impacte l’opinion publique ou mobilise les réformateurs spécifiquement autour de Macron. Le véritable acte de courage eut été de reculer l’âge de départ à la retraite par exemple.